• La balle à blanc

    Koldo Campos Sagaseta

    Aux États-Unis, mis à part ce que représente la légalisation de l’assassinat, on peut distinguer divers aspects, en vérité répugnants, de cette morale hypocrite qui régit l’exécution d’un condamné à mort. La mort récente, dans l’Utah, devant un peloton d’exécution, de Ronnie Gardner, à nouveau les met en évidence.

    La possibilité accordée au condamné de pouvoir choisir le type de mort par laquelle la justice encaissera sa vengeance est le premier fait qui souligne jusqu’à quel point c’est le cynisme qui caractérise cette société-là. Il est vrai que personne au monde ne vote plus que les citoyens des États-Unis habitués depuis leur enfance à voter pour tout, pour le MVP de n’importe quelle équipe sportive, pour le meilleur acteur, pour la miss la plus sexy, pour la résurrection d’Elvis… mais il est tout aussi vrai, également, que personne ne décide réellement, par le vote, moins que ces mêmes citoyens, habitués depuis qu’ils atteignent l’âge adulte à n’élire personne, pas même leurs présidents, tous copies clonées, nuance colorée mise à part, d’un pouvoir toujours identique et omniprésent et qui, lui, ne passe pas par les urnes.

    Ils ont donné à Ronnie Gardner à choisir entre une injection mortelle ou être fusillé par un peloton d’exécution et, en bon citoyen des Etats-Unis, Ronnie a voté.

    Ils lui ont également donné la possibilité de choisir le dernier repas qui lui serait servi. On connaît des condamnés à mort à qui, quelques secondes avant d’être assassinés, on a refusé cette dernière cigarette demandée parce que fumer dans l’enceinte de la prison était interdit et que le tabac est mauvais pour la santé et personne autant que les États-Unis ne se soucie autant de la santé et si peu de la vie. S’agissant de Gardner, ils n’ont pas été obligés de veiller sur sa santé au-delà de la pernicieuse nicotine, car Ronnie Gardner n’était pas fumeur. Mais, par contre, ils l’ont protégé de l’alcool qui lui fut interdit. Il se contenta donc d’un soda, d’un steak, de langouste et de tarte aux pommes.

    Peut-être, comme tant d’autres prisonniers condamnés à mort, au moment d’exprimer cette dernière volonté qui va transformer en réalité un ultime souhait, plutôt que de choisir son menu aurait-il préféré choisir un procès équitable, un bon avocat, une révision de son dossier… mais la coutume veut qu’aucune de ces options ne soit envisagée.

    Aux États-Unis, des milliers de personnes ont été exécutées par injection mortelle, sur la chaise électrique ou fusillées. La plupart du temps, ce sont des noirs ou des Hispaniques pauvres, condamnés à mort pour des délits qui, si leurs auteurs avaient été blancs et riches, auraient mérité un bon avocat et une sentence plus clémente.

    Karla Fayer, par exemple, a été exécutée malgré l’appel en sa faveur venu du monde entier, y compris de Paul VI, appel à respecter sa vie après quinze années passées à attendre son exécution. Aux États-Unis, ont été légalement assassinés des hommes de 40 ans qui avaient été jugés lorsqu’ils n’en avaient que 18 et des jeunes souffrant d’un handicap mental avéré. Rien n’y a fait ; ni la condition des prisonniers condamnés ni les appels à la clémence, ni leur conduite devenue irréprochable, ni les ombres qui dans de si nombreux cas ont accompagné les verdicts des tribunaux, ni la jeunesse des mineurs exécutés, ni leur santé mentale déficiente… rien.

    Dans de nombreux cas, les preuves de l’innocence, si longtemps clamée, sont arrivées à temps pour rétablir l’honorabilité du nom du condamné à mort, mais pas la santé de son cadavre.

    Pour ceux qui attendent dans le dénommé couloir de la mort, pas même un mouvement de pitié, ne parlons pas de justice, n’est permis, pas même ce mouvement de pitié qui, par contre, est bel et bien réel, tous les ans, envers une dinde, à l’occasion du traditionnel « thanksgiving day ». Ce jour-là, en effet, le président des États-Unis lui-même jouit du privilège de sauver la vie d’une dinde fort chanceuse qui, même si on ne lui permet pas de décider de son sort par un vote, c’est vrai, finira sa vie non dans une casserole, mais dans un paisible zoo.

    Avant de mettre à exécution la vengeance et comme le veut la coutume, on autorisa également Gardner à dire ses derniers mots. Il décida de ne rien dire.

    Mais s’il est un aspect qui peint bien l’hypocrisie morale qui accompagne l’assassinat d’un prisonnier livré à un État qui l’a réduit à l’impuissance et pour qui il ne représente désormais plus aucun danger, c’est bien la balle à blanc qui, introduite dans l’arme de l’un des exécutants, va permettre à chacun de ceux-ci de se sentir innocent du crime qui va se commettre.

    Cinq policiers volontaires — un de ces jours, ils seront remplacés par des parents des victimes du condamné ou bien ils verront leurs places mises aux enchères et attribuées au meilleur enchérisseur — armés d’un fusil et placés à sept mètres à peine pour ne pas rater la cible sur le coeur du condamné, font feu tous en même temps. Un des fusils, cependant, tire à blanc. Aucun des tireurs ne saura jamais si c’est lui qui a limité l’exécution à une détonation.

    Un de ces jours prochains, une telle pratique sera la règle pour les bombardements opérés par les forces aériennes des États-Unis pour que le pilote, au cas où il aurait des doutes sur la mission humanitaire qu’on lui a confiée ou au cas où cela lui poserait un problème de conscience, puisse trouver une consolation en espérant que, peut-être, ses bombes étaient chargées à blanc et que ce sont les autres, les bombes de ses complices en uniforme, qui ont, là-bas, tout en bas, semé la terreur.

    Koldo Campos Sagaseta
    Rebelión
    http://www.rebelion.org/noticia.php...

    Traduit par Manuel Colinas Balbona pour Le Grand Soir

    URL de cet article
    http://www.legrandsoir.info/La-balle-a-blanc.html

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  • Le Gaza du Mexique (counterpunch)

    Les bénévoles se mirent en route, pleins d’énergie, pour aller porter des tonnes d’aide humanitaire à une communauté assiégée qui manquait depuis des mois de tous les produits de première nécessité. Mais presque arrivé à destination, le convoi fut attaqué par des paramilitaires lourdement armés et dans le désordre qui a suivi, un respectable militant des droits de l’homme et un observateur international furent tués et une douzaine de personnes furent blessées, y compris plusieurs reporters qui accompagnaient la caravane.

    Ca vous rappelle quelque chose ?

    Sauf que cette mission n’était pas destinée à Gaza et que les assassins n’étaient pas des Israéliens. Les bénévoles se rendaient à la Municipalité Autonome de San Juan Copala dans le lointain territoire des Indiens Triqui au nord-est de Oaxaca. Cela fait 9 mois que 700 familles Triqui, soit environ 5000 villageois, n’ont pu recevoir aucune nourriture, ni électricité, soins médicaux ou services éducatifs. Les lignes téléphoniques ont été coupées et les paramilitaires contrôlent la route de Copala.

    Tout comme les Israéliens avaient averti les organisateurs de la Flottille de la Liberté de ne pas mettre le cap sur Gaza, le gouverneur de Oaxaca a dit aux militants que s’ils ne faisaient pas demi-tour ils en paieraient les conséquences. Comme leurs homologues internationaux ils ont refusé d’obtempérer.

    Quand les militants ont quitté la grand route à La Sabana, un hameau situé à quelques kilomètres de leur destination, le 27 avril dernier, des tireurs dirigés par un cacique local (chef de village) Rufino Juarez, le "directeur" d’un groupe de paramilitaires surnommé le UBISORT ("Unis pour les bien être social de la région Triqui") et affilié au gouverneur actuel Ulises Ruiz, ont mis la caravane en joue. De nombreux bénévoles ont abandonné les véhicules, se sont enfuis et se sont cachés derrière des rochers à proximité. Mais Bety Carino, une militante indienne autochtone qui luttait pour la sauvegarde du maïs ancestral et qui était une des organisatrices du convoi, est tombée sous les balles. Jiry Jaakkola, un militant solidaire finnois s’est jeté immédiatement sur le corps ensanglanté de Bety pour la protéger en prenant sa tête dans ses mains, et lui aussi a été fauché par les tirs des paramilitaires.

    Jaakkola qui avait 33 ans est le second militant international à être assassiné par le régime meurtrier du gouverneur Ruiz. Le 27 octobre 2006, un journaliste indépendant militant pour la justice sociale Brad Will fut tué par balles par la police de Ruiz sur une barricade à la sortie de la capitale de l’état. Au moins 25 Mexicains ont été tués par les agents de sécurité de Oaxaca pendant le soulèvement de 7 mois qui a éclaté quand la police a attaqué des enseignants grévistes.

    Inspiré par l’enseignement de Ricardo Floré Magon, un idéologue de la révolution mexicaine anarchiste né à Oaxaca, Jiri Jaakkola est allé au Mexique en 2009 en tant que représentant d’un Mouvement de Solidarité finnois pour rendre compte des violations aux droits humains perpétrées dans le conflictuel état du sud. Lui-même anarchiste, Jyri était très influencé par les écrits de Murray Bookchin, l’écologiste décédé du Vermont, et l’éducateur radical brésilien Paulo Freire, dont il a appliqué l’enseignement à la lettre quand il a voulu protéger Bety Carino :"La solidarité c’est se mettre à la place de ceux dont on est solidaire".

    Cela fait littéralement des siècles que des militants internationaux se rendent au Mexique pour prendre part aux mouvements sociaux. L’Espagnol Javier Mina combattit la Couronne pour l’indépendance du Mexique en 1821. Les "San Patricios", bénévoles américano-irlandais prirent les armes contre l’invasion américaine en 1846 et furent pendus pour leur peine. Les écrivains John Reeds et John Kenneth Turner furent des voix significatives de l’historique Révolution Mexicaine.

    Les gouvernements qui suivirent la révolution devinrent souvent chatouilleux sur le chapitre des critiques formulées par des non-Mexicains. L’article 33 de la Constitution Mexicaine de 1917 donne le droit aux Présidents d’expulser tout "extranjero" (étranger) qu’ils jugeraient "gênant". La photographe américaine d’origine italienne,Tina Modotti fut expulsée du Mexique en 1930 à cause de son affiliation au parti communiste.

    Dans une crise de rage xénophobe, pendant les moments les plus brûlants de la révolte des Zapatistas du Chiapas, le Président Ernesto Zedillo a ordonné l’expulsion de plus de 400 militants des droits humains non-mexicains, la plupart américains du nord, italiens et espagnols et pour quelques uns norvégiens. Une classe entière d’étudiants du Evergreen College de l’état de Washington fut expulsée après avoir accompagné les fermiers persécutés de San salvador Atenco pendant la marche de la Journée Internationale du Travail du premier mai.

    Tout comme les militants internationaux Rachel Corrie et Tom Hundall ont été assassinés par l’armée israélienne à Gaza, Jyri Jaakkola et Brad Will ont laissé leur vie dans la terre gorgée de sang de Oaxaca. Comme le gouvernement israélien, Ulises Ruiz se lave les mains de toute responsabilité. "Qui sait ce que ces visiteurs aux yeux bleus voulaient ? est-ce qu’il sont venus en touristes ou pour nous causer des ennuis ?" a-t-il demandé aux reporters après le meurtre de Jaakkola par ses sbires. Le procureur de l’état Luz Candalaria Chinas a tout autant de doutes sur les motivations des bénévoles internationaux, et quand elle les décrit comme des "fauteurs de trouble déguisés en militants humanitaires" on croirait entendre Israël.

    San Juan Copala, où se rendait le convoi, est dévasté par des actes sporadiques de violence meurtrière depuis des décennies. L’écheveau de meurtres remonte à 1976 quand le populaire leader communautaire, Luis Flores, a été assassiné par des inconnus. En mars 1984, Amnistie Internationale a envoyé une équipe dans la région Triqui pour enquêter sur 37 meurtres de militants indiens. La plupart des victimes étaient membres du MULT, le mouvement unifié pour la lutte des Triqui, créé en 1981 pour empêcher la destruction de 13 000 ha de terres boisées par des caciques métisses de la ville voisine de Putla de Guerrero.

    L’année suivante, l’équipe de AI a publié le rapport de sa première enquête sur la violence généralisée dans le sud du Mexique, intitulé : "violations des droits humains dans le Mexique rural des états de Oaxaca et Chiapas". Le rapport faisait état de " témoignages permettant d’accréditer" des abus policiers, des assassinats extra judiciaires, l’usage de la torture, des aveux extorqués, et le refus des autorités d’enquêter lorsque des citoyens déposaient plaintes.

    Le rapport de AI fut instantanément rejeté par le gouvernement mexicain appartenant au PRI (Parti institutionel révolutionnaire) alors au pouvoir. Le sous-secrétaire d’état, Victor Flores Olea, (qui est aujourd’hui journaliste à la Jornada) a émis des réserves sur "l’objectivité" d’Amnistie Internationale. 25 ans plus tard, le gouvernement du Président Felipe Calderon et le très décrié gouverneur Ulises Ruiz ont perpétué la tradition en rejetant tous les rapports suivants d’AI sur les violations des droits humains dans l’état sous le même prétexte.

    Muni du rapport d’Amnistie, je me suis rendu à San Juan Copala au printemps 1987. Les tensions étaient fortes. Les soldats de la Section 28 qui avaient été associés au massacre perpétré par la MULT patrouillaient dans les rues poussiéreuses. J’ai été reçu par le Conseil des Anciens et j’ai comparé les listes des morts - il y en avait 13 de plus que sur la liste du rapport d’Amnistie. Un peu plus tard, j’ai grimpé sur une colline qui surplombait la ville et j’ai pris des photos. Tout à coup, cinq soldats sont sortis des buissons et ont pointé leurs armes sur ma tête. Puis ils ont pris mon appareil photo (je protestais que j’avais seulement photographié les poulets du voisinage) et m’ont escorté jusqu’à la grand route en me disant de ne plus jamais remettre les pieds à San Juan Copala.

    Ajourd’hui, presque 25 ans après le premier rapport d’Amnistie Internationale, le nombre de morts violentes dans la région Triqui s’élève à plus de 400.

    Les tensions incessantes qui agitent la majorité indienne de Oaxaca sont exacerbées par les élections qui approchent pour choisir le successeur de Ulises. Selon les sondages, le dauphin du candidat sortant, Eviel Perez, du PRI, parti qui est depuis longtemps au pouvoir dans l’état, est à égalité de chance avec Gabino Cue, le représentant d’une étrange coalition qui comprend le parti du centre gauche et le parti de la révolution démocratique (PRD) et le parti de droite de Felipe Calderon, le PAN. Beaucoup de gens au Mexique pensent que le PAN a volé les élections nationales à Andres manuel Lopez Obrador, le candidat du PRD. Bien que le PRI ait du céder le pouvoir au PAN au niveau national en 2000, il a continué à diriger Oaxaca d’une main de fer.

    Les tensions électorales se répercutent à San Juan Copala. Pendant l’élection volée de 2006, des leaders du MULT se sont alliés au PUP, le parti local d’unité populaire, un parti fantoche du PRI qui a pour but de siphonner les voix des Indiens autochtones pour enlever des voix à Lopez Labrador. Peu après le MULT se scinda et le premier janvier 2007, le MULT-independant ou MULT-pacifique a pris le pouvoir à Copala, déclarant que le village Triqui était une municipalité indépendante sur le modèle des "Municipalités Autonomes" des Zapatistes du Chiapas.

    Selon le Traité de San Andres concernant les droits et traditions des autochtones qui avait été négocié entre l’Armée Nationale de Libération Zapatiste et le gouvernement mexicain en 1996 et qui n’a jamais été ratifié, les Municipalités Autochtones indiennes devaient obtenir une autonomie totale sur le terre, l’habitat, l’exploitation des ressources naturelles, l’environnement, l’éducation, la santé, et la politique agraire. Les responsables devaient être désignés selon les us et coutumes des Indiens et non par les partis politiques. Les Communautés Autonomes auto-déclarées des états de Chiapas, Guerrero et Mexico (San Salvador Atento) ont, depuis, toujours vécu sous le régime du "mal gobierno" ou " mauvais pouvoir" des armes.

    Sous l’effet conjugué de la scission du MULT et du MULTI et de l’augmentation des agressions de l’UBISORT d’Ulises, une violence croissante déchire San Juan Copala. Marcos Albino, le représentant pour les Droits Humains de la municipalité a comptabilisé 25 nouveaux meurtres dans les six derniers mois seulement.

    Le 26 mai, Timotéo Alejandro Ramirez et sa femme Tleriberta, les fondateurs historiques du MULT qui quittèrent l’organisation en 2006 pour former le MULT-I furent assassinés chez eux à Yosoyuxi près du chef-lieu Copala. Les raisons du double meurtre ne sont pas claires. Ramirez a été accusé par ses ennemis politiques de la disparition de deux soeurs Triqui, de 14 et 21 ans dont les familles étaient associées au MULT. Deux personnalités de la radio communautaire, Felicia Maritnez et Teresa Bautista furent aussi assassinées en avril 2009 sur la route de Copala. Felicitas et Teresa, des protégées de Bety Carino, animaient une émission populaire sur la station de radio locale MULT-I : "la voix qui brise le silence".

    Bien que ces assassinats s’accumulent depuis des années et que AI ait alerté les autorités par de nombreux rapports, le gouvernement fédéral et celui de l’état de Oaxaca refusent d’intervenir pour mettre fin à la violence. "C’est leur problème. c’est la faute de leurs idiotes us et coutumes, s’ils s’entretuent. Il n’y a que les Triqui eux-mêmes qui peuvent résoudre ça," affirme Chinas, le procureur de Oaxaca.

    La violence révoltante qui règne dans la région Triqui et les meurtres de bety Carino et de Jyri Jaakkola ont eu un écho national et international. Au début du mois de juin, le Parlement Européen a demandé au président Felipe Calderon d’ouvrir une enquête sur la mort des militants. Un nouveau convoi a été organisé par une délégation de membres du Congrès du PRD. Le gouverneur Ulises Ruiz a immédiatement condamné cette nouvelle tentative d’acheminer de l’aide humanitaire à San Juan Copala, la qualifiant d’ingérence dans les élections gouvernementales à venir.

    Le 8 juin, 250 militants, dont beaucoup sont affiliés à l’Autre Campagne des Zapatistes, mais menés par 15 députés fédéraux du PRD ont quitté la ville de Mexico pour faire les 500 km de route pour Copala, avec un convoi de 7 autobus chargés de 30 tonnes de nourriture, vêtements et fournitures médicales. L’armée mexicaine et le gouverneur de Oaxaca ont tous les deux refusé de fournir une protection au convoi, bien que le Procureur Chinas ait promis que l’état enverrait des agents pour contrôler les papiers des observateurs internationaux et prévenir les convoyeurs des dangers éventuels.

    Une fois de plus, les militants refusèrent de faire demi-tour et, comme en avril, le convoi ne réussit pas à dépasser La Sabana. La route de Copala était bloquée par d’énormes rochers. Un cordon de femmes Triqui dirigées par Rufini Juarez et épaulées par des paramilitaires armés de longs fusils refusèrent de laisser passer les bus. On entendit des coups de feu plus bas dans la vallée. La police d’état qui surveillait les bus renonça tout de suite. Le bus qui transportait les députés PRD fit demi-tour et repartit pour la ville de Mexico, suivi à contre coeur par les militants de l’Autre Campagne.

    Comme dans la lutte pour briser le blocus de Gaza, les militants du Mouvement Solidaire ne renoncent pas ; une troisième caravane composée uniquement de femmes est programmée.

    Le massacre de neuf pacifistes turques par l’armée israélienne le 31 mai a déclenché une vague d’indignation mondiale, y compris à Mexico. Au cours de la première semaine de juin, quand des quantités de Mexicains se sont rassemblés devant l’ambassade israélienne dans le riche secteur occidental de cette énorme métropole, la moitié des manifestants étaient des femmes Triqui vêtues de leurs huipils brodés traditionnels d’un rouge éclatant qui leur donnent l’air de grosses fraises. Derrière les portes barricadées de l’ambassade, les diplomates israéliens n’en sont sûrement pas revenus.

    "Ce que le gouvernement israélien a fait aux militants qui apportaient de l’aide humanitaire à Gaza, est exactement ce que Ulises et ses paramilitaires nous ont fait" a expliqué Marcos Espino "nous sommes venus ici par solidarité avec nos frères et soeurs de Gaza. Beaucoup d’entre nous ont été tués aussi."

    John ROSS ici

    John Ross est chez lui dans la gueule du monstre en train de regarder la Coupe du Monde. Vous pouvez lui exprimer vos doléances à l’adresse suivante : johnross@igc.org

    Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/ross061...

    Traduction D. Muselet


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  •  

    Pourtant suivi par 2 millions d'auditeurs - la meilleure audience sur cette tranche - Guillon paie cash ses provocations envers le pouvoir. Didier Porte aussi. Il ne retrouvera ni la Matinale, ni le "Fou du Roi" la saison prochaine.

    Le président de Radio France Jean-Luc Hess a annoncé ce mercredi matin dans Le Monde qu'il ne renouvellera pas le contrat de Stéphane Guillon la saison prochaine. Tout comme celle de Didier Porte sur cette même tranche ainsi qu'au "Fou du Roi". Et François Morel. Bref, fini de rigoler à France Inter.

    Pourquoi? "L'humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans", explique le président. (...) "Je considère que cette tranche d'humour est un échec. Elle a montré une grande misère intellectuelle dont je ne m'accommode pas. Il n'y aura pas de changement d'horaire ni de remplaçants. Ce qui ne fait pas rire à 7h55 ne me fera pas plus rire à 3 heures du matin".

    "Val démission!" criait ce midi le public du Fou du Roi sur les ondes de France Inter, huant la décision de la direction de licencier Didier Porte, tête de gondole de l'émission. "Nous vivons des moments très pénibles, avouait dans la foulée l'animateur Stéphane Bern". Avant d'assurer son soutien à son humoriste vedette et d'annoncer qu'il "tirera les conclusions" de ce qu'il considère comme étant un "désaveu personnel".

    Guillon et Porte, l'humour en danger ?


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  • De l’esplanade David Ben Gourion à la place Mahmoud Darwich

    photo : association France-Palestine Solidarité

    Bertrand Delanoë, dit « assumer » et « revendiquer » la création d’une promenade Ben Gourion à Paris, inaugurée le jeudi 15 avril en présence de Shimon Pérès. « Oui, Ben Gourion a été un chef de guerre, pour que cet État puisse vivre, pour qu’il puisse survivre », a déclaré fièrement le maire de Paris.

    Le lundi 14 juin, c’est le même Bertrand Delanoë qui inaugure en présence de Mahmoud Abbas une place au nom du célèbre poète palestinien Mahmoud Darwich. Étrange coïncidence ; c’est en avril dernier que cette décision a été votée par le Conseil de Paris

    Mahmoud Darwich, chantre de la paix mérite bien cet honneur posthume. Son œuvre lui a déjà valu de nombreuses distinctions, dont l’Ordre national du Mérite (1993), le Prix de la liberté culturelle de la Fondation Lannan (2002) et le Prix Prince Claus (2004). Ses textes ont été traduits dans de nombreuses langues, il est reconnu comme l’une des grandes figures de la poésie contemporaine.

    Nous pouvons comprendre M. Delanoë lorsqu’il déclare : « Je suis critiqué pour Ben Gourion comme je serai critiqué pour Mahmoud Darwich », mais ce qui est difficile à saisir c’est la concomitance des deux célébrations car, faut-il bien le rappeler, c’est au moment même de l’inauguration controversée de l’esplanade Ben Gourion qu’a été votée la décision concernant la place Mahmoud Darwich. On est alors en droit de s’interroger sur la signification d’une pareille synchronie. Cette promiscuité a-t-elle pour objectif de laver les mains ensanglantées du faucon sioniste ou sert-elle plutôt à éclabousser les vers du poète ?!

    Il faut bien le reconnaître, dans ce clair obscur si caractéristique de l’atmosphère politique , monsieur le maire de Paris semble abuser de l’oxymore. On a du mal à comprendre selon quels critères, quelle échelle de valeurs a-t-on décidé d’honorer au même moment et de la même manière deux êtres aussi antinomiques :

    « Les frontières des aspirations sionistes sont l’affaire du peuple juif et aucun facteur externe ne pourra les limiter... »
    (Ben Gourion, « mémoires », discours en 1937).
    « Dans mon écriture, je m’avoue l’enfant de plusieurs cultures successives. Il y a place pour les voix juive, grecque, chrétienne, musulmane. La vision adverse concentre toute l’histoire de la Palestine dans sa période juive. Je n’ai pas le droit de leur reprocher la conception qu’ils ont d’eux-mêmes. Ils peuvent définir leur identité comme ils veulent. Le problème, c’est que cette conception de l’identité signifie la négation de celle de l’autre. »
    (Mahmoud Darwich, La Palestine comme Métaphore)
    « Après être devenus une force importante grâce à la création de l’État, nous abolirons la partition et nous nous étendrons à toute la Palestine. L’État ne sera qu’une étape dans la réalisation du sionisme et sa tâche est de préparer le terrain à l’expansion. L’Etat devra préserver l’ordre non par le prêche mais par les mitrailleuses. »
    (Ben Gourion, discours de 1938)
    « ...Ici, aux pentes des collines,
    Face au crépuscule et au canon du temps
    Près des jardins aux ombres brisées,
    Nous faisons ce que font les prisonniers,
    Ce que font les chômeurs :
    Nous cultivons l’espoir... »
    (Mahmoud Darwich, « État de siège », 2002)
    « Nous devrions nous préparer à lancer l’offensive. Notre but c’est d’écraser le Liban, la Cisjordanie et la Syrie. Le point faible c’est le Liban, car le régime musulman y est artificiel et il nous sera facile de le miner. Nous y établirons un État chrétien, puis nous écraserons la Légion arabe, éliminerons la Cisjordanie ; la Syrie tombera dans nos mains. Nous bombardons alors et avançons pour prendre Port-Said, Alexandrie et le Sinaï... »
    (Ben Gourion, Recommandations devant l’ État Major Suprême, 1948)
    Vous qui passez parmi les paroles passagères
    portez vos noms et partez
    Retirez vos heures de notre temps, partez
    Extorquez ce que vous voulez
    du bleu du ciel et du sable de la mémoire
    Prenez les photos que vous voulez, pour savoir
    que vous ne saurez pas
    comment les pierres de notre terre
    bâtissent le toit du ciel
    (Mahmoud Darwich, « Passagers parmi les paroles passagères »)

    Cet hiatus profond, cette cacophonie assourdissante auraient été évités si les locataires de l’hôtel de ville n’avaient eu la malencontreuse idée d’immiscer cet intrus de poète dans le paysage parisien. Pourquoi rompre ainsi la parfaite harmonie de la capitale ?! N’aurait-il pas mieux valu qu’après avoir honoré Theodor Hertzel, Yitzhak Rabin, David Ben Gourion, réunir le reste de la famille ?! Monsieur Delanoë n’aura eu aucune difficulté à trouver suffisamment de places, de squares, d’avenues pour les gratifier des noms illustres de Begin, de Dayan, de Golda Mayer, d’Allon, de Pérès, de Barak, de Sharon, d’Olmer, de Tzipi Livni, de Natanyahu et même de celui d’Avigdor Lieberman !

    Soutenir Israël dans les dix ans qui ont suivi les crimes nazis pouvait s’expliquer, mais continuer à le faire après plus de soixante ans d’apartheid, de racisme, d’épuration ethnique, de terrorisme d’état devient insoutenable sauf pour une partie de la classe politique française aveuglée par ses réminiscences coloniales et sa haine des arabes et des musulmans. Sinon en vertu de quelles valeurs se permet-on de ternir l’éclat de la ville lumière avec le nom de David Ben Gourion, ce colon venu des tréfonds de sa Pologne natale chevauchant un racisme hérité de ceux-là même qui l’ont persécuté, habité par cette haine de soi qu’il traduira en crimes de guerre.

    Oui, c’est bien Ben Gourion qui a créé Israël, mais sur les cendres de plus de quatre cents villes et villages autochtones et l’expulsion par la force des armes de la moitié du peuple palestinien hors de ses terres. Qui ne se souvient de sa phrase mémorable à propos des palestiniens chassés de chez eux : « Nous devons tout faire pour nous assurer qu’ils ne reviennent jamais... Les vieux mourront et les jeunes oublieront ».

    Voyez-vous Monsieur Ben Gourion, si vous m’entendez dans l’au-delà, les vieux sont bien morts mais les jeunes n’ont pas oublié, loin de là, le monde entier est aujourd’hui témoin de la monstruosité de votre rêve insensé.

    S’entêter à célébrer un tel symbole du sionisme après le massacre de Gaza ne peut avoir pour but que celui de narguer les victimes et toutes les voix qui s’élèvent à travers le monde contre cet État criminel. Les amis d’Israël veulent-ils désespérément redorer le blason de cette entité en perte de vitesse ?! est-ce le baroud d’honneur d’un combat d’arrière garde ?!

    Il y a deux ans, la mairie de Paris refusait à Yasser Arafat ce qu’elle a octroyé à Ben Gourion. Pourtant, rien que la signature des accords d’Oslo lui valent bien une petite ruelle ! Ce que les amis d’Israël reprochent à Arafat c’est son charisme qui a fait renaître de ses cendres un peuple que l’occident a réussi à gommer magiquement de la carte. Après la création de l’entité sioniste et pendant plus de vingt ans les mots Palestine et palestinien ont systématiquement disparu du vocabulaire politique, diplomatique et médiatique occidental. Arafat a ébranlé tout l’édifice de la propagande sioniste du "peuple sans terre pour une terre sans peuple". Il est donc clair que tous ces élus de la droite et de la pseudo-gauche pro-sionistes n’accorderont jamais quoi que ce soit à ce symbole de la renaissance d’un peuple qu’on a voulu ensevelir vivant.

    Mais alors pourquoi Mahmoud Darwich ? pourquoi a-t-on besoin d’un poète pour calmer tous ces esprits surchauffés, révoltés, scandalisés par une telle recrudescence de la propagande sioniste ?

    Sans doute qu’au moment du vote, un bon nombre de conseillers se sont chuchotés que tout compte fait, un rimailleur inoffensif constitue le choix le plus pertinent et le moins risqué. Dans une société piétinée par le galop effréné de l’économique, tenue en laisse par une classe politique asservie, le culturel, isolé, aseptisé, morcelé, confiné dans les musées, les maisons de la culture et les émissions télévisées de fin de soirée se trouve irrémédiablement exclu des réalités sociales.

    C’est cette vision des choses qui a guidé les choix des élus. Pour eux, la consécration d’un homme politique équivaut à une légitimation de sa vision et un appui de son action qu’elle inscrit dans "l’actuel". La consécration d’un artiste correspond plutôt à sa momification puisqu’elle consiste à l’enfermer dans l’espace clos du culturel, son statut l’exclu de facto du réel et sa création est "artistique" donc apolitique.

    Mais Mahmoud Darwich déroge à la règle, la force de ses vers a fini par fissurer le béton des maisons de la culture et ses poèmes ne cessent d’enflammer l’imaginaire des masses arabes du Machrek au Maghreb !

    Oui messieurs les conseillers, vous avez mal servi Israël en choisissant ce poète car ses mots justes, ses mots de feu, ses mots de rêve portent mille fois plus loin que les fusées rudimentaires de Hamas !

    Fethi GHARBI ici


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