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  • À situation de guerre, mesures de guerre. L’ennemi était à nos portes, sévissait dans nos chaumières, il fallait réagir. Durant trois longues heures, l’Assemblée a débattu de l’arsenal martial et patriotique à développer pour repousser les légions terroristes voilées. Entre références aux talibans et invocations de Jehanne de France, les députés ont repoussé les limites de la bêtise crasse. Florilège.

    Les députés sautent sur Kaboul

    Par JBB

    À mort, la burqa ! La résolution a été votée gaiement. Presque fleur au fusil, comme un assaut résolu et courageux, Famas rhétoriques en bandoulière. Pour l’occasion, d’ailleurs, le grand jeu sécuritaro-martial était de mise : « Des mesures de sécurité renforcées avaient été mises en place tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Assemblée. Des policiers du service de déminage accompagnés de chiens ont effectué en début d’après-midi des passages dans l’hémicycle et les tribunes du public, tandis que les contrôles aux différentes entrées avaient été durcis. » C’est que l’ennemi rôdait…

    Malgré la menace islamiste, la résolution "Copé", posant que « les pratiques radicales attentatoires à la dignité et à l’égalité entre les hommes et les femmes, parmi lesquelles le port d’un voile intégral, sont contraires aux valeurs de la République », a donc été votée, au bout de trois heures de discussions parlementaires. Un débat qui n’en était pas un : l’essentiel des intervenants (hors les élus Verts, PC et Parti de gauche, qui ont quitté l’hémicycle) étaient sur la même ligne.

    Une même ligne ? De front, alors. Derrière la bêtise crasse, les effets oratoires ratés et les emphases ridicule de ceux qui ont défilé à la tribune, c’est une martiale mobilisation pour la patrie et contre ces intégristes faisant rien tant que mugir dans nos campagnes qui s’est donnée à voir. Trois heures durant, une vingtaine de parlementaires se sont succédés au micro, plus effarants les uns que les autres. Pour preuve, je te propose un petit dialogue, reconstruit à partir des différentes interventions des élus - toutes les déclarations sont tirées de l’enregistrement vidéo de la séance parlementaire que tu peux consulter ICI.

    S’en dégage, j’espère, quelque chose de révélateur sur l’air du temps, nauséabond mélange à base de choc des civilisations, d’amalgame entre l’immigration dans son ensemble et la largement minoritaire burqa, d’identité nationale, de certitude d’un affrontement à venir, de références patriotes et d’évocation du conflit afghan. Artillerie lourde.

    Jean-François Copé (UMP) : « Que vaut l’échange entre deux citoyens libres qui se rencontrent pour la première fois si l’un des deux, au seul motif qu’il est une femme, ne peut montrer ni son visage ni son sourire ? Sans sourire ni visage, le contrat social est rompu. (…) Sans sourire ni visage, quel sens pouvons-nous donner au mot de fraternité ? »

    Michèle Alliot-Marie (UMP) : Plus aucun sens ! « Le visage, c’est la partie du corps qui porte la relation directe avec l’autre ».

    Nicole Ameline (UMP) : « Madame la ministre, je voudrais en quelques mots vous dire combien votre intervention, votre courage et votre engagement sont essentiels à notre débat. Le visage de la France, c’est le visage d’une femme. »

    Jacques Myard (UMP) : Cela me d’ailleurs fait songer à une petite anecdote personnelle. Je vous raconte : « C’était une belle journée de printemps dans un parc animalier des Yvelines. Une journée paisible. Enfants, parents savouraient nonchalamment en famille la beauté du site et de la nature. Soudain, mon regard fut attiré par un spectre noir méconnaissable, entouré par quelques bambins qui virevoltaient. Devant marchait fièrement un homme à la barbe abondante et au regard sévère. A cet instant, pétri d’étonnement devant cette vision, deux images me vinrent à l’esprit. La première est celle que je garde d’une visite à Riyad (…).

    Mais en parallèle et en réponse avec force, me vinrent en mémoire les portraits des femmes qui dans notre pays qui, depuis les siècles et les siècles, ont concouru à instruire les hommes. Chacun sait identifier dans sa propre histoire familiale ces femmes courageuses - la grand-mère, paysanne, ouvrière, qui garde les enfants pendant les grandes vacances, la mère, institutrice qui veille sur les enfants pour qu’ils deviennent des hommes. Alors, oui, je vous l’avoue, je me suis senti dans ce parc animalier offensé, insulté même par cette pratique vestimentaire (…), offensé et blessé car c’est tout le monde de mon enfance qui était nié, insulté. »

    Marie-Louise Fort (UMP) : C’est connu, « priver l’enfant du visage de sa mère, et il devient orphelin, à côté du nombre ».

    Jean-François Copé : Le nombre ? « Peu importe le nombre de femmes concernées. Zéro hier, 2 000 aujourd’hui. Devons-nous attendre qu’elles soient 20 000, 60 000, 100 000 pour réagir ? »

    Véronique Besse (MPF) : Non, nous ne le devons pas ! « Le danger qui nous guette aujourd’hui, c’est de voir la France, qui a été pendant des siècles un phare pour des millions de femmes et d’hommes, se désagréger sous les coups de l’intégration. »

    Jean-Claude Bouchet (UMP) : L’heure est grave. « Notre société connaît aujourd’hui une crise profonde, liée à des problèmes de coexistence. »

    Jean-Claude Guibal (UMP) : C’est évident ! « La France est une République, en même temps qu’elle est depuis longtemps - et plus encore qu’auparavant - une terre d’immigration. Elle est de ce fait confrontée à ce qui paraît aujourd’hui comme un véritable défi, faire partager ses valeurs par une partie de ceux qui ont acquis sa nationalité. Il s’agit bien là d’un défi, tant les symboles de notre nation font depuis quelques années déjà l’objet d’outrages répétés. Marseillaise sifflée, drapeaux souillés… pour ne citer que quelques-uns des exemples les plus scandaleux. »

    Véronique Besse : « La France vit une crise identitaire sans précédent. (…) Tandis que l’on décroche le drapeau français du fronton de nos mairies et que l’on siffle l’hymne national dans les stades, des quartiers entiers vivent en sécession, dans la haine de la France et de ses valeurs. »

    Lionnel Luca (UMP) : « Dans ce pays, il faut une loi pour indiquer à ceux qui veulent mettre à bas ses institutions, sa façon de vivre, ses mœurs (…) ce que nous croyons. »

    André Gérin (PCF) : « Il est temps, il est grand temps de réagir aux dérives, voire à la décomposition politique et sociale de la société française. L’électrochoc des présidentielles de 2002, les émeutes de novembre 2005… combien de symboles de la République ont été visés dans les 800 communes touchées ? Le bilan reste à faire. »

    Jean-Claude Guibal : Qui pour faire ce bilan ? En attendant, « il n’est que temps d’affirmer notre identité par un geste politique fort et symbolique. L’interdiction du port du voile intégral nous en donne l’occasion. (…) Je rajouterais volontiers que nous le ferions d’autant plus facilement si les Français aimaient un peu plus leur patrie. (…) Alain Finkielkraut ne disait pas autre chose quand il disait : "Il sera difficile d’intégrer des gens qui n’aiment pas la France dans une France qui ne s’aime pas" ».

    Jacques Myard : Difficile de les intégrer ? C’est même impossible. « Le voile intégral est l’expression-même d’une démarche politique dangereuse, qui porte en elle-même tous les ingrédients d’un affrontement inéluctable. (…) Il relève d’une logique politique inadmissible que nous ne pouvons pas admettre au risque d’aller tout droit vers des affrontements, voire demain à la guerre civile. »

    André Gérin : Oui, « la gangrène a commencé, avec des poches talibanes dans notre pays, qui combattent la République, qui développent un racisme anti-France et anti-blanc ».

    Nicole Ameline : Nous devons réagir ! « On ne survit pas dans le renoncement, c’est le courage qui fait l’histoire. »

    Jacques Myard : Oui, l’histoire ! Ayons « en mémoire toutes les femmes de notre histoire qui ont fait ce pays. (…) Avec Jeanne Hachette, défendant Paris contre les vikings, avec Jeanne la Lorraine, boutant l’ennemi hors de France, avec les munitionnettes de la guerre de 14, avec les femmes de la résistance et les Françaises décharnées de Ravensbruck, je voterai avec conviction le bannissement de cette pratique politique dégradante ».

    André Gérin : Exactement, non à Munich ! « Avec le fondamentalisme, il y a une idéologie barbare, de même nature que la bête immonde et féconde des années 30, qui se développe, avec ce que j’appelle des talibans français. »

    Jean-Claude Bouchet : Et « ne rien faire, ce serait trahir nos soldats français qui se battent en Afghanistan pour mettre un terme à la tyrannie des talibans et qui le payent de leur vie. »


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  • Expulser un clown pour des mesures de Sécurité ? C’est une plaisanterie ? (Haaretz)

    Qui prétend que l’humour juif a disparu en Israël ? Qui peut nier que même les organismes d’état les plus secrets ont leur moments de légèreté, entre les assassinats ciblés et les intrigues ? Si vous pensez que le processus de fascisation, d’isolation, de nationalisme et de militarisation d’Israël ne donne pas envie de rire, alors écoutez ce que Barak Ravid a relaté dans Haaretz, jeudi dernier.

    Un clown espagnol - ça commence comme une blague, n’est-ce pas ? - a atterri en Israël. Pas n’importe quel clown, le plus grand clown d’Espagne, Ivan Prado. Il pensait traverser le contrôle des passeports rapidement (un citoyen espagnol, même clown, n’a pas besoin d’autorisation spéciale pour entrer dans l’état démocratique d’Israël) prendre ses bagages et aller à Ramallah.

    Ce plaisantin voulait organiser un festival de clowns à Ramallah et pas ailleurs. Ce fut l’erreur de sa vie, une idée vraiment idiote. D’abord quel besoin les Palestiniens ont-ils de voir des clowns d’autres pays ? Ils en ont bien assez chez eux, merci ! Et de toutes façons de quoi pourraient-ils bien rire à Ramallah ?

    En un clin d’œil, un expert du Shin Bet est apparu, un vaillant gardien d’Israël, pour emmener ce plaisantin et l’interroger sur ses liens avec des "groupes terroristes". Prado, ce stupide clown, a refusé de répondre. L’agent du Shin Bet (un clown moins connu) a sans doute pense qu’il avait été choisi pour sauver la journée.

    Bref, après six heures d’attente pénible à l’aéroport international de Ben Gourion, un officiel du Ministère de l’Intérieur a dit à Prado : " Vous êtes expulsé. Prenez le premier avion pour Madrid, c’est la place des plaisantins comme vous". Ce qui a derechef changé Prado en Prophète de l’Apocalypse. Aussitôt arrivé en Espagne, il a condamné Israël dans la presse locale, comparant le sort des Palestiniens à celui des Juifs dans la Pologne du temps de guerre.

    Exactement les blagues polonaises dont nous avons besoin. L’ambassadeur israélien à Madrid a envoyé un communiqué urgent à Jérusalem demandant :" Qu’est-ce que vous avez fait ?". Le Ministère des Affaires Etrangères a répondu brièvement "Raisons de sécurité". La colère a secoué l’Ambassade qui souhaitait obtenir une information plus circonstanciée afin de pouvoir répondre aux médias espagnols convaincus que l’expulsion d’un clown pour des raisons de sécurité ne pouvait être qu’une plaisanterie. Mais ni les services de sécurité du Shin Bet ni le Ministère de la Défense ne se donnèrent le mal de répondre à l’ambassadeur. "Cet homme a refusé de fournir une information complète aux agents de sécurité sur ses liens avec les organisations terroristes de Palestine en particulier" a dit le Shin Bet interrogé par Haaretz.

    Ce qui signifie en clair : Prado, selon le Shin Bet qui sait tout, a des liens avérés avec les groupes terroristes palestiniens sinon il ne voudrait pas organiser un festival de clowns à Ramallah. Et en plus il a refusé d’avouer ces liens. Mais quels "groupes de terroristes" ? Le Jihad Islamique, ou les brigades des Martyrs d’Al-Aqsa peut-être ? Al-Qaida ? Les Forces Quds d’Iran ? Et quels liens ? Le clown voulait-il apporter de grandes quantités de rires à des éléments hostiles ? Des bombes de plaisanteries aux Jihadistes ? des vannes dévastatrices au Hamas ? "Vous trouvez peut-être cela drôle" a déclaré un représentant des Affaires Etrangères peu après, "mais l’incident a détérioré l’image d’Israël à l’étranger, notamment quand Israël a refusé de s’expliquer".

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    Prado n’est pas le seul. Si tout cela n’était pas si insensé, grotesque et horripilant nous nous tordrions de rire. Mais des dizaines de visiteurs étrangers ont été refoulés de la même manière ces derniers mois, parce qu’ils étaient soupçonnés de sympathie envers les Palestiniens - une sérieuse offense sans nul doute. Ces personnes, n’écoutant que leur conscience, étaient venues soutenir les Palestiniens mais la Police de la Pensée de l’aéroport les a démasquées. L’historien juif américain Norman Finkelstein a été expulsé parce qu’il soutient la solution d’un état pour résoudre le conflit du Moyen Orient et qu’il pense qu’Israël fait commerce de l’Holocauste. S’il avait demandé à remplir le formulaire de nouvel immigrant il aurait été accueilli à bras ouverts au titre de la Loi du Retour. Mais il vient en visite et ose critiquer ? Qu’on le renvoie tout de suite en Amérique !

    Trois militants suédois d’un organisme de formation regroupant des Juifs et des Palestiniens ont été récemment expulsés aussi, ainsi qu’un journaliste américain qui a travaillé pendant des années pour l’agence d’information palestinienne Ma’an.

    Quelqu’un a-t-il jamais entendu dire qu’une personne venue soutenir moralement ou financièrement les colons les plus extrémistes ait jamais été expulsée ? Je vous en prie, ne faites pas rire le Shin Bet ou le Ministère de l’Intérieur !

    Gidéon Lévy Ici

    Haaretz, 9 mai 2010
    http://www.haaretz.com/print-editio...

    Traduction D. Muselet


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  • Rafael Correa et les organisations indigènes, auparavant alliées, ne réussissent pas à se mettre d'accord. Des experts soupçonnent que les indigènes sont manipulés par la droite conservatrice et les ONG écologiques.


     "Je veux qu'ils respectent leur parole. Beaucoup de socialisme mais à chaque fois c'est pire." Pedro Ayuy Astudillo se remémore son histoire et raconte la lutte avec le gouvernement équatorien. Cinquante-sept ans, peau bronzée par le soleil, de nationalité Shuar ,ex-policier. Il exige avant tout du travail. "Et qu'ils n'exploitent pas nos terres, ni ne prennent le pétrole, ainsi que les minéraux et qu'ils ne contaminent l'eau."

    Le dialogue avec le gouvernement est rompu. Comme deux anciens amants, Rafael Correa et les organisations indigènes, auparavant alliées , ne réussissent plus à se mettre d'accord. Cette semaine et la semaine dernière, la Conaie s'est mobilisée pour exiger que l'eau ne soit pas privatisée avec l'approbation de la nouvelle loi des Eaux qu'examine l'Assemblée Législative Nationale. Peu a importé que le président de celle-ci, Fernando Cordero, ait annoncé qu'il ne permettrait pas l'approbation d'une réglementation de privatisation qui "violerait la Constitution", ni que le vice-président, Lenin Moreno, demande à reprendre le dialogue.

    La suspicion, à chaque fois avec plus de certitude, est que les indigènes soient manipulés par des secteurs traditionnellement adversaires à leurs intérêts, la droite conservatrice et les ONG écologiques. Ainsi l'analyse Maria del Carmen Garcés, chercheur, écrivain et lutteuse sociale qui compare - "bien qu'en gardant les distances entre Salvador Allende et Correa" - les grèves dans les mines du Teniente dans l'ancien Chili socialiste et les actuels soulèvements  indigènes en Équateur. "La droite, avant ou maintenant, là-bas ou ici, infiltre les organisations populaires en utilisant la même stratégie."

    Depuis des mois, la rupture du dialogue est le point de départ pour les tentatives de séduction de la droite locale. Surtout à Guayaquil, ville gerée par l'opposant Jaime Nebot, où fin mars se sont réunies la Conaie et la Junta Civica. Bien que les représentants indigènes ont écarté des alliances et se sont repentis de la réunion - au point d'annoncer des "purges" internes -, la stratégie de l'opposition a été mise en évidence. 

    Mais il faut aller dans la partie orientale du pays pour voir comment vivent et ce qu'exigent les indigènes, auparavant alliés et aujourd'hui fervents adversaires du gouvernement.

    L'histoire d'Ayuy Astudillo résume celle de chaque indigène équatorien qui coexiste avec les "colons", comme ils appellent ceux qui habitent dans les villes. Il vit à Sevilla, près de Macas, province de Morona Santiago, où 30 000 personnes d'origine Shuar vivent encore de la chasse et de l'agriculture. "Très chichement mais ils ne manquent jamais de nourriture", dit-il fièrement.

    Ils reconnaissent le pluri-nationalisme octroyé par la dernière Constitution, mais ils pensent que leur vie ne s'est pas améliorée. Pour cela la confrontation intervenue il y a peu, semblait venir changer leur situation de laissés pour compte.

    La maison en bois des Ayuy Astudillo est comme toutes celles de Sevilla : basse et rustique. Mais la leur n'a pas de fenêtre. Une autre plainte à ce sujet  : ils veulent  des infrastructures et des crédits. "Il y a des plans, mais ils ne changent rien avec des maisons de 6m2"

    La Révolution Citoyenne, annoncée sur chaque panneau sur la route qui unit Macas à Sevilla, ne semble pas arrivée jusqu'ici. Elle est restée à mi chemin. Bien que la route soit nouvelle et ait aidé à reconstruire la communication de la partie orientale du pays.

    La colère envers Correa se note dans sa façon de parler avec véhémence. Les besoins soutiennent ses plaintes. Ils vivent sans eau, avec de l'électricité occasionnellement, sans égoût, sans gaz naturel. Sans fenêtre. Même ainsi ils ont du mal à exprimer ce dont ils ont besoin. Tout près, derrière la montagne, vivent dans la forêt amazonienne plus de 85 communautés. "Le médecin vient 2 heures par jour, pas les week-ends donc nous ne pouvons pas tomber malades", lâche Ayu.

    Tous ne sont pas certains des méthodes de lutte. "Je soutiens le soulèvement mais de manière pacifique", répond le maître de maison, avec des arièrre-goûts de son ancien emploi : il reçoit 580 dollars de pension et il ne veut pas que ces 2 groupes, indigènes et policiers, s'affrontent.

    Sur la réunion avec la droite, Ayuy est clair : "je les rejette car ils nous ont toujours discriminés". Garcés ne comprend pas non plus : "C'est inexplicable, la droite les a toujours discriminés et maintenant elle les utilise". Et elle attaque le discours écologique des ONG internationales "qui influencent les indigènes". Elle souscrit aux théories de l'essayiste Argentin Jorge Orduna, auteur de 2 livres polémiques : "Éco fascisme" et "ONG" : les mensonges de l'aide, dans lesquels il explique la relation entre l'intérêt pour l'écologie et la continuation de la domination à travers du non développement local.

    Plus au nord dans la partie orientale à Misahualli, en pleine forêt amazonienne dans la province de Napo, se trouve la communauté Quechua Shiripuno. Là les ONG écologiques sont arrivées : avant ils cultivaient et chassaient , maintenant ils cultivent peu, achètent le reste et ne chassent plus : ils sont écologiques et vivent du tourisme communautaire durable.

    L'idée très moderne du respect pour la tradition ancestrale de la Pachamama est arrivée à Misahualli avec 2 organisations françaises ,Planète Coeur et Coup de Mains. Elles ne sont pas arrivés seules : le fils prodigue et leader de la tribu, Teodoro Rivadeneyra, a étudié en Angleterre. Il est biologiste, guide de tourisme et a fait les liens avec la vieille Europe.

    A Shiripuno il y a des cabanes pour que les touristes vivent dans la tradition indigène. Elles ont été faites avec l'aide de volontaires français, qui pullulent encore là-bas. C'est un lieu sorti du temps, où n'entre pas la politique. A Shiripuno ils résolvent leur existence sans abîmer la terre. Dans d'autres parties, comme à Sevilla, règne encore la demande de travail au souverain. Dans les deux endroits on vit de la nature et  exige leur non exploitation.

    L'histoire de l'Équateur marque autre chose. "Cela fait 40 ans que les entreprises étrangères sont là. Ce serait bien que l'État le fasse", lâche Garcés. Les indigènes continuent la lutte et, bien qu'ils aient raté les soulèvements de mars, ils promettent plus de mobilisations.

    Dans un communiqué de la délégation de la Conaie qui a participé au Neuvième Forum Permanent de l'ONU à New York fin avril, ils dénoncent la "violation des droits des peuples indigènes" et accusent le ministre des Ressources naturelles, Wilson Pastor Morris, de défendre l' "économie extractive néolibérale"

    La tension menace de continuer. En dernière instance, le paradoxe est propre de l'existence indigène : ils sont la tradition vivante de leurs ancêtres, conservateurs et aussi fer de lance des causes progressistes du nouveau millénaire. Bien que, selon quelques voix, ils servent de soutien aux intérêts étrangers et à la droite nationale.

    Traduc RLB

    Source ici


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  • Retour(s) à la "guerre sale " ?

    par Mathieu RIGOUSTE, chercheur à l'université Paris VIII

     

     


    L'expression « guerre sale » est trompeuse parce qu'elle laisse entendre qu'il existerait des guerres propres. Or, ce qu'on désigne généralement par ce terme, ce sont des techniques de guerre dans la population, de guerre contre le peuple, de guerre intérieure. L'armée française est mondialement connue pour son excellence dans ce domaine depuis qu'elle a expérimenté la doctrine de la guerre contre-révolutionnaire en Indochine, au Maroc et en Algérie dans les années 1950.
     
     

    Il s'agit d'un système de techniques cherchant (en vain, l'histoire l'a montré à plusieurs reprises) à contrôler totalement la population en la soumettant par la peur, en lui désignant massivement des ennemis intérieurs à isoler et purger, en employant la manipulation, la provocation, le fichage et la surveillance, le quadrillage et l'internement, la criminalisation et la coercition. Il s'exprime généralement par une militarisation du contrôle et la prolifération industrielle contre la population colonisée d'agressions, de tortures, d'assassinats et de disparitions.

    Naissance du système sécuritaire

    Ce système est aussi appelé contre-insurrection, la police française se l'est approprié dès les années 1950, en tentant de l'appliquer au contrôle des communistes et des colonisés. A partir de 1968, l'État français comme nombre des États ayant adopté ces techniques dans leurs armées a commencé à transformer ce répertoire pour tenter de l'employer pour le contrôle social de la population en général et des classes populaires en particulier. C'est l'un des actes de naissance du système sécuritaire.

    Depuis, ces pratiques se développent et se transforment là où l'État perçoit qu'il ne dispose plus du monopole de la violence légitime. Dans les quartiers populaires, contre les mouvements révolutionnaires et les  résistances sociales, contre les peuples en lutte pour leur autodétermination, ces méthodes s'appliquent de manières différentes mais un schéma persiste: immuniser la population contre la subversion, faire participer la population à son propre contrôle, écraser toute forme d'insoumission.

    On retrouve nombre de ces éléments dans les dernières opérations politico-policières contre des militants basques depuis un an: la disparition de Jon Anza, les rafles du 27 et 29 juin 2009 puis celles de la fin mars 2010 contre des militants de SEGI et de la gauche abertzale, des tortures et des menaces de torture à l'encontre de personnes interpellées au cours de ces rafles, des interrogatoires violents (avec menaces, mensonges et pressions), des incarcérations sous mandat anti-terroriste pour empêcher toute défense, des mises sous contrôle judiciaire pour briser la vie sociale, un matraquage médiatique de figures du « terroriste nationaliste ».

    La fabrication de l'ennemi intérieur

    Dans le cas des « Irlandais de Vincennes » en 1983, des « islamistes de Folembray » en 1994, des « anarcho-autonomes de Tarnac » en 2008 ou des « terroristes basques » cette année, on assiste à un même type de montage médiatico-policier: la construction médiatique et politique d'une « menace terroriste cachée dans la population » puis un « coup », en l'occurrence une rafle médiatisée où le pouvoir se présente comme un sauveur.

    Dans de nombreux quartiers populaires encore, la police pratique une forme de « guerre larvée »(1) qui se manifeste par une surveillance et une répression permanente, des pressions, intimidations et provocations quotidiennes et des assassinats (dix en moyenne chaque année). Cette année, de Villiers-le-Bel à Tremblay en France, des stratégies d'occupation du territoire et de quadrillage militaro-policier ont fait face à des révoltes populaires. Là aussi, les médias dominants jouent un rôle fondamental pour présenter les principales victimes de la domination capitaliste comme les responsables du racisme, de la violence policière et de la misère.

    Ce système de contention est couplé à une industrie de l'incarcération. L'arsenal juridique de la sécurité intérieure brise les vies de familles entières et remplit les prisons de pauvres issus de la colonisation. Les quartiers populaires comme les territoires colonisés servent en quelque sorte de réserves de chasse, de vitrines et de laboratoires. Dans la ZUP de Bayonne comme à l'encontre des jeunes de SEGI, le pouvoir se dévoile sur le mode de la guerre dans le peuple.


    Le renouveau de la répression au Pays Basque rappelle la campagne d'extermination menée au début des années 1980 par les GAL (groupes para-policiers espagnols) et la complicité de l'État français parce qu'il en dérive. Ce sont les techniques de contre-insurrection employées contre ETA qui alimentent désormais le modèle d'encadrement politique du peuple basque.


    Là comme ailleurs, lorsque le système sécuritaire fait face à des oppositions, des pratiques d'entraide et d'autonomie, il redéploie le répertoire de la contre-insurrection. Les différentes formes de la férocité policière dérivent bien d'un même système de domination. Celui-ci tient en divisant les forces qui lui résistent.


    La violence policière dans les quartiers assure l'encadrement et la séparation des surexploités et des sur-opprimés issus de la colonisation, celle que la police applique contre « l'ultra-gauche » et les « terroristes nationalistes » permet de tenir en joug les classes populaires et petites-bourgeoises « blanches ». Mais comprenons bien qu'un même système d'exploitation et d'oppression produit et entretient ce régime de violence, car aujourd'hui comme hier, la solidarité entre les oppriméEs détermine leurs libérations respectives.


    (1) Entretien réalisé par l'auteur avec l'amiral Bernard Norlain, directeur de l'Institut des Hautes Études de Défense Nationale en 2007.


    Mathieu Rigouste est Docteur en socio-histoire, chercheur à l'université Paris 8 Saint-Denis, il est également l'auteur de L'ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l'ordre sécuritaire dans la France contemporaine, La Découverte, 2009.

    [les intertitres sont de la rédaction]

    Source ici


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