• Chili: en procès pour avoir filmé les Mapuches


    Le 8 janvier 2010 devrait s'ouvrir le procès d'Elena Varela à Villarrica, à 650 kilomètres au sud de Santiago, après que son avocat ai par deux fois réussi à lui éviter le tribunal.  La cinéaste et militante de gauche chilienne est accusée de 'terrorisme' pour avoir réaliser des documentaires sur les Mapuches.

    Ces derniers sont le principal groupe ethnique du Chili (6% des 17 millions d'habitants). Depuis la fin du 19ème siècle, ils subissent une politique répressive de l'Etat qui prend la forme d'expropriations, souvent violentes, en vue d'installer des filiales de multinationales.  Les Mapuches vivent pauvrement sur leurs terres ancestrales, qui sont pour la plupart infertiles.  Ils sont souvent privés du système de santé et d'éducation. Une partie d'entre eux s'est radicalisée ces derniers mois, dénonçant les violences de la police militaire, ainsi que la militarisation de leur territoire par l'armée chilienne.  Des dizaines de dirigeants mapuches sont actuellement en prison, et des centaines attendent d'être jugés.

    C'est pour avoir filmé ces tribus qu'Elena Varela risque aujourd'hui 15 ans de prison. Elle a été arrêtée en mai 2008 et a passé trois mois en prison avant d'être mise en liberté provisoire. Son avocat dénonce "un montage politico-judiciaire contre une intellectuelle qui veut montrer la discrimination dont sont victimes les Mapuches.  Le gouvernement n'écoute pas les Mapuches, et les traite comme des mouches qu'il faut chasser."

     



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  • Honduras : les disparitions et les crimes politiques reviennent

    Voici le communiqué du CODEH, comité de défense des droits de l’homme, qui fait suite à plusieurs exactions d’hommes masqués signalées depuis la fin des élections, assassinats, enlèvements torture.

    En date du 7 décembre de l’année le CODEH a annoncé les disparations de mesdames : VILMA MARTINEZ, SONIA CASTILLO et quatre autres personnes ; depuis nous avons appris que Madame Sonia Castillo n’est pas la personne disparue et qu’il y a eu une confusion de nom, le nom de Sonia Castillo correspond en fait à celui d’Ada Marina Castillo après qui en avaient les auteurs de cet acte criminel.

    JPEGLes séquestrations ou les disparitions se sont déroulées ainsi : samedi 4 décembre à trois heures de l’après-midi un véhicule Tacoma de couleur bleue à bord duquel se trouvait cinq personnes est arrivée à la colonia Nueva Capital, les cinq personnes étaient masquées avec des passe-montagnes, portaient des uniformes de la Direction Nationale d’Investigation Criminelle (DNIC), et étaient équipées d’un fusil Galil et de pistolets 9 mm. Ils sont descendus et sans un mot ont arrêté et ont embarqué dans leur véhicule Mr Santos Corrales Garcia qu’ils ont emmené pour une destination inconnue ; dimanche à 1h du le matin, est arrivé un autre véhicule (probable le même) à la maison de mesdames : VILMA YOLANDA MARTINEZ, SANDRA YAMILETH ORDOÑEZ, LUIS CARBALLO E ISIDRO BACA. Les personnes qui ont été emmenées ont eu la tête enfermée dans un sac noir, ce qui leur a fait perdre le sens de l’orientation, elles ont été détenues dans des maisons clandestines ou des cellules qui a-priori sont à la police, durant l’interrogatoire ils leur ont posé des questions à propos de Madame ADA MARINA CASTILLO ; madame Castillo est l’une de celles qu’il a eu la responsabilité de la cave où la résistance emmagasinait des vivres et surtout l’eau pour les marches qu’elle organisait.

    Mercredi, après notre communiqué, ils ont rmis en liberté les personnes suivantes : VILMA YOLANDA MARTINEZ, SANDRA YAMILTH ORDOÑEZ et monsieur LUIS CARBALLO. Ces trois personnes ont été abandonnées à la sortie nord de la capitale, pieds et mains liées, monsieur ISIDRO BACA a été laissé à la périphérie de la ville de Choluteca à presque cent vingt kilomètres de Tegucigalpa. A ceux qu’ils ont libérés les kidnappeurs leurs ont donnés trois jours pour abandonner le quartier où ils vivaient et pour quitter le pays.

    JPEGLes efforts du CODEH, pour garantir la vie de toutes les personnes disparues n’ont pas obtenu complètement gain de cause puisque ce 11 décembre on a retrouvé les cadavre de monsieur SANTOS CORRALES GARCIA, dans une communauté de Lepaterique, il a été décapité, pour le moment sa tête n’a pas été retrouvée.

    Ce crime odieux s’ajoute aux autres qui déjà été signalés, dont les corps retrouvés présentent des signes de torture brutale, comme couper la langue et les oreilles. Ces agressions de basse intensité sont orientées pour mettre en place un climat de peur collective [NDT : comme en Argentine durant la dictature de la Junte], et ceux qui les mettent en place le font sur la base d’un calcul logique. Ces crimes sont soutenus par le silence de la hiérarchie de l’Église Catholique, d’un secteur de la hiérarchie protestante, et de la justification du responsable National des Droits de l’Homme.
    Quelques jours auparavant le CODEH avait annoncé le massacre, cela ne l’a pas arrêté mais la méthode a été modifiée, pour ne pas avoir pu assassiner durant les élections, ils le font en silence après de manière systématique.

    Il est nécessaire que le monde sache ce qui arrive au Honduras, c’est nécessaire que monsieur OBAMA mérite son Prix Nobel de la paix en dénonçant face au monde ce qui arrive au Honduras ; comment est-il possible de parler de Commission pour la Vérité sur les violations systématiques des droits de l’homme, aucun pays du monde ne dit la vérité sur la guerre. Pour qu’il y ait une paix et une vérité au Honduras il faut d’abord en finir avec le rémige militaire de dictature qui sévit et qui assassine aujourd’hui, pour que nous puissions dialoguer sur la vérité, celle d’hier (des années 80) et celle d’aujourd’hui, puisque les impunis d’hier sont les impunis d’aujourd’hui.

    Le CODEH demande à ceux qui nous lisent : dites-nous ce que nous pouvons faire ? C’est un régime qui se moque des moyens qui nous ont été accordés par la Commission Interaméricaine des Droits de l’homme, y a-til un autre organisme qui peut nous aider à arrêter ce crime horrible qui a comme une finalité construire une terreur collective : quelqu’un peut nous aider à trouver ceux qui appuient ce régime de terreur ? Nous demandons une enquête de fond pour que le monde sache qui appuie ce régime de mort et d’impunité. Pour qu’ils arrêtent cette agression contre l’humanité.

    Tegucigalpa Municipalité du district central le 11 décembre 2009
    Commission Exécutive Direction National

    NOUS LUTTONS POUR LA PAIX EN DÉFENDANT LES DROITS DE L’HOMME ET LA JUSTICE

    Source : CODEH via email sur le net, Honduras é logo ali REAPARECE LA DESAPARICION FORZADA Y EL CRIMEN POLITICOMuere decapitado miembro de la Resistencia hondureña de manos de la Policía Traduction : Primitivi _TelSur


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  • Zapatisme, pouvoir et démocratie

    Jean-Pierre PETIT-GRAS

    illustration : "je suis lent, mais j’avance"

    Ce texte a été rédigé dans le cadre d’une participation à un débat organisé par « l’association qui ne manque pas d’airr ». Un mouvement constitué contre un projet d’implantation d’éoliennes industrielles au dessus du petit village de Vaour, dans le département du Tarn. Le projet avait été conçu, et virtuellement imposé, à une population que l’on n’avait absolument pas consultée. Les réactions de ladite population, la chance ou le bon Dieu Eole, ont fait que les énormes machines, apparemment, sont allées tourner sous d’autres cieux, peut-être moins regardants.

    1/Le système des cargos dans la tradition indigène et le mouvement zapatiste

    En janvier 1994, les indigènes zapatistes, mayas et zoques du Chiapas, se sont soulevés, les armes à la main, face à un système qui les privait de tout depuis 5 siècles : terre, nourriture, logements décents, santé, travail, éducation... Depuis, ils ont posé leurs armes, mais entrepris de construire une société autonome et originale dans ce coin perdu et superbe du sud-est mexicain.

    Ces gens, que l’on appelle « indiens », se reconnaissent, eux, comme « indigènes ». Ils se distinguent du reste de la population (du Mexique, par exemple), par le fait qu’ils vivent dans des communautés (villages) sur un même territoire. La propriété privée de la terre n’existe pas chez eux (c’est une aberration, la terre-mère est sacrée... on dit souvent, et eux-mêmes le disent, mais pas pour la galerie, que c’est nous qui appartenons à la terre). Le territoire fait l’objet d’une gestion collective, dans le cadre d’une organisation horizontale, démocratique, très précise, qui s’appuie également sur des tâches effectuées collectivement de manière régulière. La conservation de leurs langues (au Chiapas on parle encore une dizaine de langues mayas, plus le zoque), le fait de partager une vision du monde et des traditions culturelles communes, sont, enfin, les autres éléments essentiels qui caractérisent ces populations indigènes.

    D’emblée, ce mouvement étonne et force l’admiration, à cause de plusieurs caractéristiques :

    En premier lieu, on est saisi par la force des zapatistes, par la fermeté de leur résistance. Ceci, alors que leur situation pourrait sembler extrêmement précaire.

    Dans les régions des Altos (les Hautes Terres), l’absence de place pour cultiver et vivre est flagrante. Habitations, champs de maïs, troupeaux de moutons et êtres humains se partagent des territoires manifestement trop petits, d’autant plus qu’une bonne partie de cette région, entre 1500 et 2800 mètres d’altitude, est abrupte... vraiment pas le lieu idéal pour faire passer une charrue.

    Dans la forêt Lacandone et les vallées qui la traversent, la prolifération des installations militaires et celle des groupes paramilitaires, ainsi que la construction de routes et autoroutes, les projets touristiques (rebaptisés écotouristiques, le pouvoir n’ayant jamais peur des mots !), l’implantation de cultures industrielles, toute cette avancée du monde capitaliste moderne, dans lequel des groupes humains autonomes, non soumis au salariat ou aux lois du marché, n’ont évidemment plus leur place, tout cela semble absolument imparable.

    Pourtant, malgré la terrible pression économique et militaire de la « guerre de basse intensité » que lui livrent les gouvernements locaux (notamment celui de l’état du Chiapas, dirigé par le PRD, membre de l’Internationale Socialiste) et celui de la république fédérale, les zapatistes construisent une véritable « autonomie ».

    Ayant coupé tout lien d’inféodation avec ceux qu’ils désignent sous le terme de « mauvais gouvernements », les zapatistes ont instauré, dans les cinq espèces de « capitales régionales » appelées « caracoles » (escargots), cinq structures d’ auto-gouvernement, les « Conseils de Bon Gouvernement » (ou encore : Juntas de Buen Gobierno).

    Ils ont mis en place leur propre système de santé : des cliniques et micro-cliniques, des dispensaires et des équipes de promoteurs de santé se rendent de communauté en communauté, aussi bien pour assurer des soins que pour renforcer la prévention, mais aussi pour recueillir les connaissances des plus âgés, notamment des femmes, en matière de plantes médicinales, de suivi des grossesses, d’accouchements, etc.

    Ils possèdent leur système scolaire : des écoles secondaires où se forment les promoteurs d’éducation. Ces jeunes gens et jeunes filles retournent ensuite dans leur communauté pour définir, en liaison avec les adultes et autres autorités locales, les programmes de ce qu’ils vont enseigner aux enfants dans l’école du village.

    La police et la justice sont elles aussi directement assurées au niveau des quelques 1400 communautés, des municipes autonomesJuntas de Buen Gobierno, dans les 5 caracoles. (il y en a 38) et des

    Enfin, au plan économique, le travail collectif pour la production alimentaire (champs de maïs, de haricots, rizières ou potagers, bétail ), permettant une fois nourries les familles de répartir ou commercialiser les excédents, assure une redistribution, notamment en direction des plus âgés et des malades, ainsi qu’ en soutien de l’effort de celles et ceux qui travaillent dans la santé, l’éducation, etc.

    Cette organisation est à vrai dire assez impressionnante : malgré l’évidente pauvreté, les tensions et la violence liées à la militarisation et la paramilitarisation de la région, malgré aussi le travail parfois rude (en premier lieu pour les femmes), on peut voir que les populations zapatistes sont en mouvement, actives, solidaires, et que leurs constructions vont de l’avant. La tranquillité, la joie de vivre et d’être ensemble ne sont pas pour la photo. Tout cela se respire et se sent, pour qui séjourne quelque temps parmi eux.

    Les zapatistes n’ont pas inventé cette organisation communautaire. Le système découle d’une tradition ancienne, très probablement bien antérieure à l’arrivée des Espagnols au début du XVIème siècle, et qui a subsisté en dépit, et contre la dure oppression qu’ils ont dû subir (s’il fallait donner un chiffre, rappelons que plus de 90% des Amérindiens ont été anéantis en 150 ans de domination européenne).

    Cette organisation ancienne s’appuie sur ce que l’on appelle en espagnol les « cargos », les charges. Il s’agit de responsabilités à caractère rotatif et révocable, non rémunérées, attribuées dès l’adolescence aux membres de la communauté. Ceci pour une durée d’un an, avec des périodes de « repos » entre deux exercices de ces « charges ».

    Les charges concernent un éventail très large de tâches et d’activités, qui vont généralement du plus simple au plus complexe, par exemple de l’entretien d’un lieu de culte, d’un chemin ou des abords d’une source, à la préparation des fêtes religieuses et à l’exercice de la justice, en passant par la police et différentes fonctions « administratives »...

    L’individu qui s’acquitte correctement des différents échelons de ces tâches fera partie, avec les années, des « anciens », des « autorités » de la communauté.

    Le système colonial a bien évidemment influé, depuis 500 ans, sur l’exercice de ces « charges ». La dénomination même des cargos, leur hiérarchisation et le contrôle des responsables par l’administration et les autorités religieuses ont permis aux Espagnols, et plus tard à l’état indépendant du Mexique d’affiner et de renforcer leur domination sur les indiens. Ces responsabilités varient d’une région à l’autre, avec l’inclusion ou non des femmes (dans l’immense majorité des cas, écartées des responsabilités « extérieures » dans les systèmes sociaux hiérarchisés). Mais si le pouvoir a tenté de contrôler les communautés, à travers les caciques, quelque soit la forme employée pour leur nomination, il n’est jamais parvenu à faire disparaître le principe de ce gouvernement par en bas, au niveau du village, en dehors (et souvent contre elles) des autorités d’un état sur lequel elles n’ont aucune prise.

    Les zapatistes de l’EZLN n’ont donc fait que reprendre et perfectionner l’organisation de ces cargos, en y réintroduisant la participation des femmes, et en les débarrassant, évidemment, de la manipulation de l’administration et des « mauvais gouvernements ».

    Les cargos permettent la mise en marche et le fonctionnement de l’autonomie. Notons que les tâches des promoteurs de santé, d’éducation et de communication (les hommes et femmes qui participent à la circulation de l’information, à la fabrication de documentaires, etc), entrent dans ce cadre des charges.

    La non rémunération, compensée par les coups de main donnés pour les travaux agricoles, ou une aide en nature rendue possible grâce au travail collectif, est toujours une des caractéristiques essentielles du système des charges. En même temps, rappelons-le, que la révocabilité, la rotation, etc., La désignation des responsabilités se fait par consensus, dans le cadre des assemblées de la communauté.

    Etre désigné pour l’une d’elles est un honneur, une reconnaissance, et l’individu se doit bien sûr de se montrer à la hauteur de la mission qui lui est confiée.

    La communauté se dote ainsi des moyens de transmettre et d’utiliser au mieux les compétences de ses membres dans les différents domaines, en adéquation avec ses besoins, coutumes et intérêts, à la recherche d’une harmonie réelle entre ses habitants, mais aussi avec les communautés voisines.

    Les zapatistes ont étendu le système des charges communautaires au fonctionnement de leur autogouvernement, c’est à dire à la désignation des personnes qui vont siéger, pour une période déterminée, dans les « municipes autonomes », regroupant chacun des dizaines de communautés, et aux « Conseils de Bon Gouvernement » nommés dans les 5 régions géographiques du Chiapas indigène rebelle.

    Dans ce dernier cas, celui des Conseils de Bon Gouvernement (Juntas de Buen Gobierno), les hommes et les femmes désignées pour gouverner leur région ont un « mandat » qui court sur 3 ans. Mais ils ne siègent que par rotation, pendant des périodes de 10 jours. Une fois terminées ces périodes, chacun repart dans sa communauté, vaquer aux occupations « ordinaires », c’est à dire, principalement, à la vie du village et à l’entretien du champ de maïs (les parcelles de culture sont individuelles, ou collectives selon les régions).

    Cette organisation permet à un maximum de personnes d’apprendre l’auto-gouvernement. Les zapatistes reconnaissent qu’ils perdent indubitablement en efficacité, en suivi des dossiers, etc., mais ils insistent sur l’énorme avantage de ce partage réel, par en bas, des responsabilités les plus importantes.

    Une dernière remarque : les zapatistes tsotsil d’Oventik appellent leur « Conseil de Bon Gouvernement » Snail tzobombail yu’un lekil J’amteletik , ce qui veut dire, à peu près, « la maison de réunion pour ceux qui travaillent au bien commun »...

    Les mayas ont bien fait quelques emprunts à la langue espagnole, pour nommer des objets ou des animaux qu’ils ne connaissaient pas avant l’arrivée des envahisseurs : vakax, par exemple, pour désigner une vache, ou mexa, pour la table, mesa en espagnol. Mais ils n’ont jamais adopté des mots concernant des concepts leur paraissant trompeurs : le mot « démocratie », entre autres, n’est pas dans leur dictionnaire. La défense des langues vernaculaires sert aussi à cela, ne pas se laisser manipuler.

    2/ L’assemblée de la communauté indigène zapatiste : son rôle et son fonctionnement

    Lors des « 2èmes Rencontres avec les peuples du mondes », organisées par les communautés zapatistes du Chiapas au cours de l’été 2007, celles-ci ont apporté des explications claires sur leur organisation, et le fonctionnement de leurs assemblées.

    Etant collectivement propriétaires (il vaudrait mieux dire « responsables ») du territoire de leur communauté, ses membres sont placés dans une situation « objective » d’égalité et de co-gestion.

    Par ailleurs, de nombreux éléments de leur culture, de leur cosmovision, que l’on retrouve y compris dans la structure de leurs langues, de multiples traditions viennent conforter ce refus de la hiérarchie, cette affirmation d’une égalité de condition et de droits entre les individus. On peut citer à ce propos, parmi bien d’autres exemples relevés par des historiens, la coutume consistant à confier à une personne qui s’était enrichie dans le cadre de son activité (commerce, etc.) la charge de mayordomo, c’est à dire de responsable de l’organisation des fêtes religieuses dans la communauté. Cette charge représentait à la fois un honneur et une reconnaissance. Mais elle impliquait également beaucoup de frais, pour la personne ainsi honorée, qui devait payer de sa poche les dépenses liées aux multiples fêtes (feux d’artifice, boissons, nourriture, etc.), et se retrouvait complètement « à sec » à la fin de l’exercice de sa charge... Une façon élégante d’empêcher que les disparités sociales s’installent dans le village, n’est-ce pas ?

    L’assemblée communautaire a pour objet l’organisation de la gestion collective de ce qui appartient au village : des biens fonciers, c’est à dire les terres, ainsi que les bois, les cours d’eau et les sources, les ressources qui s’y trouvent. Mais également les biens immatériels, à savoir la vie culturelle, religieuse et festive, les rapports sociaux, la transmission des connaissances, la santé, la sécurité, etc.

    Les terres, dans les zones rebelles zapatistes, sont parfois divisées en parcelles attribuées à chaque famille, transmissibles de père en fils ( chez les zapatistes une fille peut hériter d’une parcelle, mais ce n’est pas encore généralisé). Ces parcelles sont bien évidemment inaliénables, c’est à dire que l’on ne peut les vendre ou les acheter, les soustraire au territoire de la comunidad. On a donc affaire à un droit d’usage, et non au droit de propriété.

    Les parcelles agricoles (les champs de maïs, de haricots, de riz ou d’autres cultures) peuvent également être cultivées collectivement, et les fruits des récoltes sont partagés au sein de la communauté. C’est le cas, généralement, dans les terres récupérées après le soulèvement de 1994.

    La gestion des terres et des ressources, à laquelle il faut ajouter l’organisation du travail collectif (qui est la norme, même dans les zones où les parcelles sont individuelles), plus les questions sociales, politiques et culturelles, font donc l’objet de décisions communes, prises en assemblée pour les plus importantes.

    La composition et le déroulement de l’assemblée :

    Tous les membres de la communauté peuvent (et doivent, sauf raison particulière) y participer. Hommes, femmes, enfants (tant qu’ils ne s’endorment pas...)

    Tout le monde a le droit à la parole. Le principe de l’égalité entre les individus est très fort, comme il est dit plus haut. L’idée que personne ne vaut plus qu’un autre semble l’évidence la plus élémentaire.

    En général, c’est une « autorité », ou bien un membre de la communauté ayant un problème particulier à poser, qui présente le débat.

    Ensuite, vient un moment où tout le monde, quasiment, parle. On peut avoir l’impression d’une confusion.

    Puis c’est de nouveau un ancien, une autorité, qui prend la parole pour tenter d’exprimer l’avis général : « la communauté pense que... »

    Il peut être approuvé, ou contesté dans sa synthèse. Dans le premier cas, un « accord », verbal, est pris. Cette décision fera office de loi jusqu’à la prochaine assemblée. Pas besoin de procès-verbal, de papier, d’huissier ou de caméra vidéo. La parole est sacrée.

    Dans le deuxième cas, s’il y a contestation, la discussion reprend de plus belle. Si on arrive à un consensus, la décision est prise.

    Dans le cas contraire, on ne prend pas de décision, on la remet à plus tard. Il n’y a pas de vote, pour passer en force, ni à 50,01%, ni à 75%... La cohésion de la communauté demande le consensus, l’unanimité, et refuse la division, y compris celle qu’engendrerait l’imposition d’une décision de la majorité sur une minorité.

    Les décisions concernent quasiment tout : désignation des charges de responsabilités (les cargos dont on a parlé), organisation du travail collectif, questions de solidarité, d’éducation, plus les différents et conflits éventuels, qu’il est important de régler, et bien sûr tout ce qui concerne l’implication de la communauté dans la résistance et la construction de l’autonomie. Ceci au niveau local, à celui des « municipios » (municipalités) autonomes, et des Conseils de Bon Gouvernement.

    La recherche de l’harmonie est une constante, à la fois au sein de la communauté et à l’échelon des relations de voisinage : le compromis est souhaité pour tout conflit interne ou externe (territoire, contestation, comportements vus comme répréhensibles ou nuisibles : par exemple coupe de bois vert, coupe de bois près d’une source, vol éventuel...).

    Tout le monde connaît tout le monde, dans des communautés assez réduites (quelques centaines d’habitants au maximum). On ne parle donc pas pour s’assurer une position dominante, ou pour épater la galerie.

    Répétons-le, la vision dominante est celle de l’intérêt commun, bien réel, et qu’il faut préserver et renforcer.

    Dans un système où les moyens de production (les terres) ne sont pas privés, et où les responsabilités sont rotatives et peuvent faire l’objet d’une révocation, ce mode de fonctionnement paraît naturel et logique.

    L’assemblée peut durer longtemps. Les gens sont rompus à ce genre d’exercice, car ils passent énormément de temps à parler ensemble.

    La participation des femmes, et d’autres facteurs non négligeables, comme l’absence de consommation d’alcool, sont des éléments qui viennent renforcer l’efficacité des assemblées. De plus, la gaieté cohabite avec le sérieux, dans ce genre de réunions.

    Dans les communautés zapatistes, les activités liées à la résistance et la construction de l’autonomie, les conflits multiples avec les autorités officielles (l’occupation militaire, avec 60 000 soldats pour une population civile rebelle de quelques centaines de milliers de personnes , et la pression policière, qui multiplie les provocations), qu’elles soient locales, régionales (l’état du Chiapas, dirigé par le gouverneur « de gauche » Juan Sabines) ou nationales (au niveau de l’état fédéral, dirigé par l’extrême droite Felipe Calderón), ou encore avec les villages non-zapatistes (priistes, perredistes, voire paramilitaires, car le conflit autour des terres est aigu, le gouvernement proposant de redistribuer les terres occupées après 1994, en parcelles privées), tout cela rend ces palabres, débats et assemblées plus qu’indispensables.

    Quelques conclusions :

    Le résultat de ces pratiques des indigènes zapatistes, c’est la force de la pensée collective, des questions réfléchies ensemble, et des décisions appliquées une fois prises.

    Il est difficile de s’expliquer autrement la résistance que sont capables d’opposer les communautés et les organisations en rébellion à la guerre de basse intensité que leur livre le pouvoir depuis 15 ans.

    Cet auto-gouvernement, certainement loin d’être parfait, représente à la fois la récupération d’une tradition (que d’autres communautés ont abandonnée ou dévoyée, sous la pression notamment des manoeuvres de division opérées par les différents pouvoirs, externes et internes, des illusions engendrées par un progrès qui n’en est pas un, de la soumission à l’état providence, qui n’a pourtant jamais raté une occasion pour les mettre au pas) et un énorme effort d’imagination et de construction. Pour refaire l’autonomie dont les indigènes ont besoin, s’ils veulent continuer à être ce qu’ils sont, à mener la vie qu’ils considèrent comme seule souhaitable, sur ce qu’ils ont de plus cher : leurs terres communes.

    On pourrait ajouter que la démocratie (le pouvoir du peuple) ne peut exister que si une population l’exerce réellement et directement. Pour cela il lui faut partir d’en bas, et non déléguer, s’appuyer sur sa culture, sur une égalité concrète entre les individus, sur la gestion collective et solidaire des biens les plus précieux (la terre, l’air, l’eau, les plantes, la nourriture, la mémoire, la solidarité, la danse, la musique, etc), ceux qui rendent la vie possible et belle. C’est une des leçons que l’on peut tirer de l’expérience zapatiste.

    Jean-Pierre Petit-Gras Ici 
    pintemps 2009


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  • Les doigts d’honneur 2009

    Posté par b.mode le 13 décembre 2009

    Pour les fêtes, Ruminances propose un concours inédit intitulé “Les doigts d'honneur” en partenariat avec le docte institut de sondages IFLOP et lance pour la circonstance une consultation auprès de ses lecteurs en leur posant une question et une seule. Quel est pour eux l'ultime boulet de la Sarkozie ? Celui (ou celle) qui accumule les bourdes les plus retentissantes, les phrases ineptes ou assassines, les actions nocives, les flatteries honteuses auprès du chef. Il va s'en dire que ce dernier est exclu du panel sélectionné tant son palmarès en impose. Hors concours depuis Mathusalem, nous lui décernons bien volontiers en cette fin d'année 2009 un doigt d'honneur spécial pour l'ensemble de son œuvre. Voici donc une rapide présentation des heureux nominés ainsi qu'un florilège de leurs plus fines déclarations.

    Le french doctor : il a troqué ses sacs de riz et ses convictions contre un strapontin honorifique de figurant de la raie publique. Avaler des couleuvres ne lui suffit plus. Il est passé aux anacondas et attaquera bientôt les pythons 357 magnum… “Je crois ce que dit le Président, systématiquement.

    La murène : Populiste à souhait, elle aime à enflammer les dance-floors des jeunes populaires déclenchant chez eux leur première érection. La vulgarité fait partie de sa trousse de toilette tandis que le racisme ordinaire lui sert de brosse à dents. “J'adore le karaoké et je chante, mais je n'aime pas l'opéra.

    L'auvergnat : celui-là, on refuserait sans façon qu'il nous donne quatre bouts de pain de peur qu'ils soient empoisonnés au cul rare. Doté d'un physique désavantageux de chef de section teutonne, il possède en outre le charisme d'une huître bigoudène. “Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes.

    Le pitbull : mordre est sa seconde nature. Son obsession : saturer l'espace médiatique de par ses saillies aussi provocatrices qu'ineptes. Le tout, rictus aux lèvres et cheveux aux vent. “Il y a beaucoup de Français, y compris en longue maladie, qui ont besoin du travail pour guérir.

    Le félon : un homme converti en vaut deux. Lui s'agite comme quatre pour mieux mériter la confiance du chef. L'histoire le jugera-t-elle un jour pour incitation à la haine de son prochain ? Tel est tout l'enjeu de sa sale besogne. “Le débat sur l’identité nationale est un talisman pour quiconque a des ambitions présidentielles.

    Le petit prince : arche ou crève, telle était sa devise avant. Depuis son échec à la Défense, la deuxième assertion semble actuellement la bonne tant son silence radio est hallucinant. Tel le phénix des hôtes des ces bois, renaîtra-t-il un jour de ses cendres encore tièdes ? Poser la question, c'est déjà y répondre… “La démocratie se porte bien en France, il ne faut pas raconter n'importe quoi.

    Le motodidacte : un champion du monde ! Sur deux roues ? Raté. Ancien souffre douleur, Bac-5 rame comme un émule de d'Aboville pour exister en politique. Chez lui, les déclarations à l'emporte-pièce font office de programme. “Il faut faire preuve d'un peu de courage si nous voulons avoir les meilleurs capitaines d'industrie pour diriger nos plus grandes entreprises.

    Miss Dior : plus coquette qu'elle tu meurs ! Mademoiselle D. préfère le strass au stress. Bien qu'elle se soit mise à dos l'ensemble du corps des magistrats, elle a réussi à faire un bébé toute seule. Miracle de l'immaculée conception ? “L’objectif est de faire diminuer de 2 degrés la température au niveau du monde.

    L'assureur : “Les français sont des veaux” disait le grand Charles. Le petit gros, lui, a les ratiches qui rayent le plancher des vaches depuis qu'il est passé du statut de Séraphin Lampion à celui d'éclaireur en chef du bousin bleu. Ça plane pour sa pomme au placide Bertrand. “En politique, on est très doué pour la lèche.

    Le sous-commandant : aussi avenant qu'une porte de prison pré-colombienne, il irradie de sa  lumineuse présence, le déjà cultissime lip dub des jeunes populaires. Semble réussir aussi mal aux affaires sociales qu'à l'éducation nationale. Vous avez dit boulet ? “Je serai le ministre de l’Explication nationale.

    sarkodoigt.jpgQu'on se le dise, les doigts d'honneur d'or, d'argent et de bronze seront décernés le jour de l'an 2010. Votez nombreux !

    Quel est l’ultime boulet de la Sarkozie ? C'est ici pour voter ^^

     

     


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  • La mosquée de Castres, dimanche 13 décembre, après sa profanation. 
    Le débat sur "l'identité nationale" commence manifestement à porter ses fruits. Il y a quelques jours, à la sortie d'une "rencontre république" dans une préfecture, dixit Eric  Besson, le maire UMP de Gusainville, André Valentin, avouait sa terrible angoisse devant "les vagues d'immigrés qui déferlent sur la France", comme ils disent au Front National, en déclarant: "Y’en a déjà dix millions, dix millions que l’on paye à rien foutre." Et lorsque le journaliste de France 2 lui demandait s’il pensait qu’il "y a trop d’immigrés", il précisait "Sérieusement, je le crois". Et d'affirmer:"Il est temps qu’on réagisse parce qu’on va se faire bouffer"


    Aujourd'hui, c'est au tour d'un lieu de culte de faire l'objet d'un attentat raciste, xénophobe et islamophobe. La mosquée Bilal de Castres dans le Tarn a été profanée dans la nuit de samedi à dimanche par des inconnus qui ont y taggé des propos obscènes, nazis et des croix gammées tels que "Sieg heil", "La France aux Français" "White power" sur les murs extérieurs, photo ci-dessus, à rapporté l'Agence France Presse. Des pieds de cochon ont également été suspendus à la poignée du portail. Sur la porte, des oreilles de cochon avaient été agrafées et des affiches placardées sur lesquelles étaient dessinés des drapeaux français.

    Après ça, qui peut encore nier que le débat sur "l'identité nationale" sent le souffre ? SOS Racisme a condamné la profanation, qui "vise très clairement, de la part des auteurs de ces méfaits, à laisser entendre qu'un musulman ne saurait être Français", et déplore "la libération de la parole raciste, libération que le débat sur l'identité nationale permet et organise." 

    Du côté de la majorité "présidentielle", les députés UMP et Nouveau centre du Tarn, Bernard Carayon et Philippe Folliot, ont affirmé, pour l'un, qu'"il faut beaucoup de médiocrité et de haine pour s'attaquer aux lieux sacrés qui rassemblent les croyants" et condamnant, pour le second "de la manière la plus absolue" ce qu'il juge être une "provocation".

    Mieux encore,le porte-parole de l'UMP Dominique Paillé a témoigné "toute sa compassion aux musulmans tarnais". Faut-il en rire ou en pleurer? Le porte-flingue de l'UMP a certainement oublié queNicolas Sarkozy et son ministre de "la pureté raciale" , vidéo ci-contre, sont les principaux instigateurs du débat qui met le feu au pacte républicain, embrase les esprits, libère la parole raciste, excite les nazillons. Comme quoi, qui sème le vent récolte la tempête.

    A2N Ici 

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