• Douillet, un mec sévèrement urné

    Posté par b.mode le 8 novembre 2009

    Avouez. S'appeler Douillet quand on mesure 1m96 au garrot (Marie-France si tu nous lis) et qu'on pèse 125 kg tout mouillé, ça interpelle au niveau du vécu. On n'ose imaginer la souffrance intérieure subie jadis par le colosse de Rouen, suite aux vilains quolibets balancés sur sa pomme, par ses railleurs camarades de la cour de récré. Au fil du temps, la moquerie, les sarcasmes, l'humiliation, ça vous forge un homme. Un dur, un vrai, un tatoué dirait Fernandel. Un de ceusses qui en temps de guerre eut été adjudant-chef prêt à toutes les missions viriles et sévèrement burnées.

    Un gars qu'aurait laissé femme au foyer pour s'occuper des chiards. Parce que “c'est la mère qui a dans ses gènes, dans son instinct, cette faculté originelle d'élever des enfants. Si Dieu a donné le don de procréation aux femmes, ce n'est pas par hasard“. Pas question qu'elle s'émancipe, la madame. A peine qu'elle s'aime en slip. “De fait, cette femme-là, quand elle a une activité professionnelle externe, pour des raisons de choix ou de nécessité, elle ne peut plus jouer ce rôle d'accompagnement essentiel. (…) Je considère que ce noyau est déstructuré. Les fondements sur lesquels étaient bâtie l'humanité, l'éducation en particulier, sont en partie ébranlés“.

    Un vrai penseur que cet homme-là. Dans une autre vie, il aurait pu inspirer Rodin. Sauf que poser pour un sculpteur, c'est pas sa tasse de thé. Juste un truc de gonzesses ou de pédés. A ce propos de ces derniers, notre nouvel élu de la République, a des propos tout en subtilité. “On dit que je suis misogyne. Mais tous les hommes le sont. Sauf les tapettes !” Ben voyons, on sent que le gars, en matière de psychologie, il en connaît un rayon. La nuance, il a appris ça sur tous les tatamis du monde.

    Ça doit être pour toutes ses qualités intellectuelles qu'à peine débarqué palais Bourbon, il est devenu membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Ses pairs ont tout de suite décelé que derrière ce corps de géant, se cachait un esprit fin, cultivé, post-moderne. Ainsi, ne disait-il pas dans un de ses ouvrages essentiels qui font la fierté de la France : “Ce n'est pas normal .. autrefois, on travaillait plus dur et surtout plus longtemps, du plus jeune au grand âge, et du lever au coucher du soleil, hormis le jour du Seigneur. (… ) Et pourtant, de l'aveu même de nos grands-parents, bien que l'on se tuât à la peine, on savait garder du temps pour les veillées au coin du feu, des après-midi pour les fêtes…

    Qu'on se le dise, avec un représentant parlementaire de cet acabit, notre cher et vieux pays a de beaux jours devant lui. En Sarkozie, le casting électoral réserve chaque jour un peu plus de surprise. Tandis qu'on annonce prochainement l'arrivée imminente dans l'isoloir de bulletins estampillés Gilbert Montagné, on se demande pourquoi Didier Barbelivien est ainsi honteusement laissé pour compte. Pourtant, il avait plus que quiconque prouvé sa fidélité au petit Mamamouchi . Jusqu'à envisager sérieusement de pondre un album de chansons sur des paroles de Prince Jean. Ingratitude quand tu nous tiens…

    Quoiqu'il en soit, ne boudons pas notre plaisir du jour. On a désormais un poids lourd à l'assemblée. Gageons qu'il aidera à faire pencher la balance du commerce extérieur du bon côté du Rhin. Mieux vaut tare que jamais, comme on dit chez Terraillon. Pis, en ces temps incertains de recherche identitaire, un type qui prône un retour aux valeurs ancestrales, ça n'a pas de prix. Derrière lui, le peuple tout entier entonnera bientôt à l'unisson une Marseillaise décomplexée. Vive la transe, vive la raie publique, oserait-on ajouter, un doigt d'honneur pointé vers le ciel…

    PS : Les propos de David Douillet, sont issus de ses différents livres. Merci au Canard Enchaîné d'en avoir retrouvé les “bonnes feuilles”…

    On notera l'extrême insolence de sa première question…


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  • PARAGUAY : UN COUP D'ÉTAT SE PRÉPARE-T-IL AU PARAGUAY ?

    Mémoires de l'eau


    Auteure : Matilde SOSA

    « En ce moment, un coup d'État politique et militaire est en préparation au Paraguay, fomenté par le Congrès d'extrême-droite, à travers une mise en accusation du président Fernando Lugo de violer la Constitution et d’entreprendre rien de plus que la bataille contre la pauvreté qu'ils interprètent comme étant une lutte de classes » : c’est ce qu’a déclaré Carolus Wimmer, vicePprésident du groupe vénézuélien au Parlement latino-américain, à l'Agencia Bolivariana de Noticias.

    Selon certaines versions de la presse paraguayenne, le président de la Commission des Affaires Constitutionnelles du Sénat, Hugo Estigarribia, qualifie d’« irresponsables » ces déclarations faites par le député vénézuélien. Selon le sénateur paraguayen les appréciations du Vénézuélien sont « très loin de la réalité » car si l’on se réfère au jugement politique, « ce n’est pas un putsch militaire mais un moyen constitutionnel pour écarter Lugo de son poste ».

    Ce dernier argument, dévoile, pour le moins, l’intention certaine de destituer Lugo et permet alors de donner raison à l'affirmation du député vénézuélien C. Wimmer.

    Carolus Wimmer : Il y a un coup d'État dans l’air au Paraguay

    Caracas, 02 novembre 2009. - Le vice-président du Parlement d’Amérique Latine (Parlatino) et secrétaire des RelationsInternationales du Parti Communiste du Venezuela (PCV), Carolus Wimmer, a dénoncé, hier lundi 2 novembre qu'une conspiration était en préparation au Paraguay, pour favoriser un coup d'État contre le président constitutionnel de ce pays, Fernando Lugo.

    « Ils espèrent faire le coup d'État en suivant la doctrine appliquée au Honduras, avec les mêmes acteurs : un Congrès manipulé par la droite et les USA cachés dans l’ombre », a t-il ajouté.

    Le parlementaire a souligné qu’une campagne féroce s’est déchaînée contre Lugo afin de faire croire qu’il est lié à différentes affaires dans l'intention d’instruire un procès politique devant le Congrès paraguayen.

    « En ce moment la campagne contre Lugo tourne autour de trois aspects principaux, d'abord ils veulent le compromettre dans le kidnapping d'un éleveur paraguayen, deuxièmement l’impliquer dans une supposée action de guérilla et troisièmement l’accuser de violer la Constitution du Paraguay, dans le sens où la lutte engagée par le président contre la pauvreté, et interprétée par la droite comme une haine de classe, serait interdit par le code de la Constitution de ce pays », a t-il précisé.

    Le dirigeant communiste a indiqué que cette campagne est dirigée par l'ex-général putschiste Lino Oviedo, le petit-fils du dictateur Alfredo Stroessner et un Chilien portant le nom d’Eduardo Avilés.

    Il a indiqué que ce Chilien demeurant au Paraguay parle de la nécessité de former un Commando Anticommuniste paraguayen, avec cinq objectifs immédiats qui doivent être diffusés dans les médias et propagés par tracts dans les rues du Paraguay.

    Selon Carolus Wimmer les 5 points auxquels la campagne fait référence sont les suivants :

    1- Réunir l'argent pour libérer l'éleveur kidnappé.

    2- Collecter de l'argent pour organiser le commando anticommuniste paraguayen.

    3- Récolter de l'argent pour acheter des armes.

    4- Poursuivre, attraper et liquider physiquement tous les communistes.

    5- Communiquer publiquement au gouvernement de « Monsieur Lugo que ses festivités vont se terminer, que les jours de son idylle avec Chávez, Morales, Correa, Castro et autres sont comptés ».

    Selon Wimmer, ce groupe met l’accent sur le fait qu’ils sont prêts à jouer le tout pour le tout et qu’« ils sont préparés à tuer et à mourir plutôt que de céder » et que cette menace est soutenue par d'autres organisations de la droite paraguayenne.

    Il a déclaré que cette situation s'inscrit dans le cadre de la perte de terrain des USA en Amérique latine avec les victoires populaires des peuples et que par conséquent le gouvernement d'Obama a recours à la solution des coups d'États dans la région.

    Carolus Wimmer a lancé un appel à tous les dirigeants, organisations et institutions, à manifester publiquement leur soutien au gouvernement constitutionnel du président Lugo, à maintenir l'état d'alerte face à la possibilité d'une escalade du conflit, à informer opportunément le peuple vénézuélien de la situation du Paraguay et à rejeter la campagne anticommuniste dirigée et financée par l'ambassade des USA.

    PRÉOCCUPATIONS


    Comme cela a filtré, ces dernières heures le président Fernando Lugo s'est réuni pendant plusieurs heures avec les principaux représentants du Parlement paraguayen et des mouvements sociaux, avec les représentants de l'aile la plus progressiste de son gouvernement, avec des paysans et des députés. Selon l’information de journaux paraguayens, les libéraux ne se sont pas présentés à cette réunion. Pour sa part la Table de Coordination de Groupements Paysans du Paraguay a informé, que ces secteurs putschistes qui cherchent à provoquer une explosion sociale, appartiennent à la droite rétrograde, et se recrutent parmi les éleveurs et planteurs de soja. Il est probable qu’un rassemblement en défense de la démocratie paraguayenne sera organisé le samedi 7 novembre.

    INTENTION PUTSCHISTE EN DIFFÉRENTES ÉTAPES

    PROCÈS POLITIQUE - PARLEMENT

    Actuellement, la situation est qualifiée d’intention imminente d'aller vers un coup d'État, qui se déroulerait en plusieurs étapes.

    D’après cette stratégie putschiste, le premier acte est : amener le Parlement à instruire un procès politique au Président, et mettre en place, dès lors, le vice-président paraguayen Federico Franco, qui fait partie de l'Alliance Patriotique pour le changement mais qui est une force qui a été en dissidence manifeste dans le gouvernement de Fernando Lugo.

    Dans l’après-midi, selon les informations de la presse paraguayenne, l’ambiance semblait être tendue dans l'environnement présidentiel, principalement à cause de la relation difficile entre le président, Fernando Lugo, et le vice-président, Federico Franco. Mais suite à la dernière réunion du Conseil des Ministres, ils avaient tous les deux affirmé qu’ils clarifieraient personnellement la situation.

    Pour situer le niveau de ce premier acte en tant que première étape, dans l’imaginaire journalistique, quelques professionnels se sont référés au putsch de Pinochet contre Salvador Allende au Chili.

    Le procès politique en tant que première étape du putsch serait lancé et soutenu par la presse au nom de la supposée « inaptitude et inefficacité à assurer la sécurité intérieure », c'est-à-dire le sempiternel thème cent fois rabâché « de l'insécurité comme cheval de bataille » qui s’appuie sur le cas du kidnapping de l’éleveur paraguayen.

    Voilà maintenant que sur le thème de « l'insécurité » apparait une hypothèse d’un mouvement de guérilla, supposé être une Armée du peuple paraguayen qui serait liée au Président Lugo selon les déclarations journalistiques d’un collègue paraguayen d’Asunción, pour Radio del Sur du Venezuela, annoncées cet après-midi, dans le programme de Marcos Salgado.

    SAMEDI 7 NOVEMBRE, LE PEUPLE PARAGUAYEN DANS LA RUE

    Selon les versions des journalistes de quotidiens on line paraguayens, certains affirment que « le gouvernement craint un éventuel coup d'État du fait qu’il a programmé ce samedi « une Rencontre avec les secteurs démocratiques et progressistes pour le changement », les secteurs populaires et l'Alliance Patriotique pour le Changement. Les critiques constantes de Franco contre le président, lui ont valu que plusieurs membres du gouvernement, parmi eux le sénateur du mouvement Tekojoja, Sixto Pereira, n’écarte pas l’idée qu’il soit mêlé à une tentative de conspiration contre Lugo.

    Pour l’instant, les actions décidées pour les prochains jours sont l’organisation de la mobilisation de ce samedi 7 novembre pour un grand rassemblement afin de soutenir la démocratie.

    LUGO-UNASUR CONTRE COMMANDEMENT SUD

    Nous rappelons qu'après la réunion de l’Unasur (Union des Nations d’Amérique du Sud), le président du Paraguay, Fernando Lugo, avait refusé la présence de 500 militaires usaméricains prévue pour 2010 dans son pays, dans le cadre d'un programme d'exercices de troupes nommé Nouveaux Horizons. Selon le compte rendu de journaux locaux le président Lugo avait déclaré : « Ce n'est pas un refus catégorique. Simplement nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire que le Commandement Sud des USA reste présent au Paraguay avec 500 effectifs pour ce type d'exercices ».

    Selon les mêmes sources, Lugo, expliquait qu'un nouveau scénario en ce qui concerne la défense, la sécurité et la souveraineté conçu par l'Unasur « parie d'abord sur l'intégration régionale ».

    Le Président du Paraguay indiquait que dans la réunion des ministres des Relations Extérieures et de la Défense des douze pays de l'Unasur, « la présence importante de soldats usaméricains dans des bases militaires de la région avait été un sujet de grande discussion ».

    Selon des agences d’informations la délégation diplomatique des USA à Asunción, déplorait la décision de refus prise par le président Fernando Lugo au sujet des exercices militaires programmés pour 2010 avec 500 soldats US au Paraguay.

    Malgré les accords passés entre les USA et le Paraguay pour effectuer des exercices militaires en 2010, le programme avait été baptisé « Nouveaux Horizons ».






    MÉMOIRES DE L'EAU


    L'Aquifère Guarani est une des plus grandes réserves souterraines du monde. Il est situé dans une zone stratégique, la Triple Frontière, ce sont le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay qui se le partagent. Comme l’on sait, en Europe et aux USA, l'eau est une ressource déficiente.

    L'Aquifère Guarani, appelé ainsi en hommage au peuple originaire qui a majoritairement occupé ce territoire  avant l'arrivée des Européens en Amérique, est situé entre les 16è et 32è parallèles latitude Sud et les 47è et 56è méridiens longitude Ouest, il s’étend jusqu’aux bassins alimentés par les fleuves Paraná, Paraguay et Uruguay. Il a une surface approximative de 1.194.000 km2, dont 839.000 se trouvent au Brésil, 226.000 en Argentine, 71.700 au Paraguay et 59.000 en Uruguay. La recharge (remplissage naturel) de l'aquifère, est estimée entre 160 et 250 km3 par an et seulement 40 km3 par an pourraient suffire à approvisionner 360.000.000 de personnes avec 300 litres par habitant et par jour.

    La guerre préventive, les bases militaires en Colombie, le récent putsch au Honduras et la décision qui circule à travers nos peuples pour éviter que demain cet extraordinaire territoire d'eau douce, patrimoine latino-américain, soit la cible d'un nouvel exercice militaire du pouvoir usaméricain, en appellent maintenant à la nécessité de prendre en compte cette réalité.

    L’UNASUR EST DÉJÀ EN ALERTE

    L'ALCA, le Plan Colombie, les Traités de libre échange (TLC) sont des outils hégémoniques. Il se trouve que le Paraguay, déjà membre du MERCOSUR, s’est également inscrit dans l'UNASUR. Les USA n’interviennent dans aucune de ces organisations régionales, et encore moins dans celui qui a été un des principaux promoteurs, le Conseil de la Défense de l'Unasur.

    L’Unasur devra agir, et son Conseil de sécurité devra très rapidement se mettre en alerte car le souvenir récent le réclame d’autant plus que la mémoire future de l'eau l’anticipe déjà.

    Traduction : Esteban

    Révision : Fausto Giudice ici 

    La présence yankee en Amérique latine



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    Source : ¿Golpe de estado en Paraguay? ici 
    Article original publié le 3/11/2009
    Sur l’auteur ici 
    Article sur Tlaxcala ici 


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  • Fadela amarrée

    Posté par b.mode le 6 novembre 2009

    fadela200.jpgFadela amarrée. Non pas à ses convictions qui ont depuis juin 2007, volé en éclats tel un souk palestinien après bombardement ennemi, mais au port glauque du Sarkozysme le plus fumeux. Il fallait la voir ramer tel un d'Aboville en difficulté dans l'Atlantique en furie, ce jeudi soir dans l'émission de Denisot, face aux questions du pourtant complaisant Aphatie et du remonté d'un soir, Ali Badou. Tentant honteusement avec un humour à deux euros cinquante de défendre un bilan proche du néant, elle s'accrochait désespérément tel un bernique à son rocher, à son portefeuille bidon de secrétaire d'état alibi.

    En matière de traîtrise, on évoque évidemment Besson. Si caricatural, si rigide, si facilement haïssable de par sa posture, son reniement, son cynisme froid. On songe souvent à Kouchner, si fat, si double, si colérique, si courbé en définitive. On oublie la plupart du temps Fadela, la sympathique auvergnate aux allures gauches et à la gouaille facile. L'ex-pasionaria de Ni putes ni soumises s'est pourtant reniée à 43 ans dans les grandes largeurs sacrifiant sa cause et son combat à son confort intime et à ses ambitions personnelles. Devenant à l'insu de son plein gré, un chantre du Sarkozysme des plus abjects.

    Défendant l'indéfendable avec des œillères inquiétantes-les saillies racistes d'Hortefeux par exemple-, elle est désormais ballottée entre le souvenir de ses vénérables luttes passées et la jouissance de sa récente position sociale. Cosette parachutée parmi les rois, éblouie par le strass et les paillettes de la république bling bling, elle assure à merveille son rôle de leurre. Qu'elle se rassure, le messie de poche tient à elle comme à la prunelle des yeux de Carlita.

    Elle peut bien continuer à avoir une efficacité sur le terrain à peu près égale à zéro, elle peut bien épuiser, telle une Rachida Dati mal fagotée, une cohorte de conseillers lassés à la fois par son incompétence patentée et par ses colères hystériques à répétition, l'apprenti sorcier élyséen la conservera dans le formol gouvernemental ad vitam eternam. La ravie de la crèche symbolise trop aux yeux du monarque calculateur, l'icône de la diversité, des banlieues et de l'ouverture réunies. Qu'importe si l'image de la dame s'est diantrement écornée au fil du temps, l'important en Sarkozie, comme le rappelle ce bon baron de Coubertin, est de participer. Et surtout de fermer sa gueule, d'avaler des couleuvres grosses comme des anacondas et de vénérer le roi

    Vidéo ici 

    SOURCE 



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  • Le CV anonyme et la burka

    par Sadri Khiari



    Selon WK-RH, un site consacré à la gestion des « ressources humaines », l’expérimentation nationale du CV anonyme, destiné à combattre la sélection raciale à l’emploi, devrait démarrer début octobre [1]. La fameuse loi sur l’« égalité des chances » d’avril 2006 avait déjà rendue l’anonymisation des CV obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés. Faute de décrets d’application, la décision du Parlement était restée lettre morte.

    Beaucoup de bruit pour rien

    Où sont donc passées tous les grandes promesses de lutte contre les discriminations raciales ? Rappelez-vous, le 8 janvier 2008, quelques mois à peine après son élection, Nicolas Sarkozy avait annoncé son intention de modifier le préambule de la Constitution pour y intégrer « les nouveaux droits que notre époque appelle » et, en particulier, la promotion de la « diversité ». Présidé par Simone Veil, un comité de réflexion, mis en place au mois d’avril, devait plancher sur la question. Résultat : zéro ! Y a rien à changer dans notre Constitution avait conclu les « experts ». Un joli petit coup de pied dans le postérieur présidentiel.

    Mais Sarkozy n’est pas homme à se laisser démonter. Le 17 décembre, le jour même où le rapport Veil lui est remis officiellement, il prononce un long discours à l’école Polytechnique, tout entier consacré à la « diversité ». Il y prend ses distances, il est vrai, avec les « statistiques ethniques », le « communautarisme » et la « discrimination positive » qui font tellement peur aux souchiens mais, comme à son habitude quand il prend la parole, il va quand même très loin, bien au-delà de ses intentions réelles. On l’a découvert ainsi quasiment anticapitaliste, écologiste, féministe ; pour peu on pourrait le croire anticolonialiste. Sa capacité à s’approprier les mots des autres est en proportion inverse du nombre de ses principes. Et comme il ne croit en rien, il peut tout dire. Citations : « Vive la République, une République des droits réels et non virtuels ».

    « Nous trahissons l’idéal républicain en proclamant notre attachement à une République formelle sans nous soucier de construire une République réelle. Il n’y a pas de République réelle sans volontarisme républicain. Il n’y a pas de République réelle sans la volonté de corriger les inégalités, en traitant inégalement les situations inégales. C’est la clé. » « L’égalité des chances : ce doit être la priorité d’aujourd’hui. ». « L’égalité des chances ne doit pas être une priorité dans les mots, cela doit être une priorité dans les actes. Je vais m’y engager chaque jour. Je veux une mobilisation de tout l’appareil de l’État, de toutes les administrations et de tous les ministères. Et l’État doit être exemplaire et il ne l’est pas. Exemplaire dans la mise en œuvre des politiques en faveur de l’égalité des chances, exemplaire dans la lutte contre les discriminations, exemplaire dans la promotion de la diversité, exemplaire en matière de transparence sur les résultats. Et l’État doit être exemplaire mais les collectivités locales aussi, les partis politiques aussi, les entreprises également. »

    Le Bavard de l’Elysée ne s’en tient pas à la réaffirmation de ces grands principes ; il trace aussi les axes d’un programme d’action pour enrayer la reproduction des inégalités dans les différents champs de la société (enseignement et formation, emploi, urbanisme, médias, représentation politique, statistiques...) et confie à Yazid Sabeg, nommé Commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, la charge de concevoir précisément les réformes à engager. Certes, l’ensemble de son propos révèle son mépris foncier pour l’égalité réelle qu’il dénonce comme « égalitarisme » ; il est profondément élitiste et défend une vision libérale et méritocratique de la société ; on sait aussi que la bête a du flair, que Sarkozy aimerait bien gagner nos voix, qu’il utilise, selon les mots d’un imbécile, « la diversité contre l’égalité » [2] ; on sait surtout que la révolte des cités est toujours dans les esprits : ne rien faire pour empêcher la fracture socio-raciale de s’approfondir, c’est l’assurance de nouvelles convulsions sociales aux risques politiques imprévisibles.

    L’opposition parlementaire en est consciente également. Et puis, la nomination de personnalités issues de la « diversité » au gouvernement lui ait resté en travers de la gorge. Pas question, donc, de laisser Sarkozy continuer à avoir l’initiative sur le terrain des discriminations et en récolter les fruits sur l’arène électorale. Le 9 décembre, au nom des socialistes, la députée Georges Pau-Langevin dépose ainsi à l’Assemblée nationale une proposition de loi « visant à lutter contre les discriminations liées à l’origine, réelle ou supposée ». Guère très audacieuse, elle propose tout de même d’imposer quelques contraintes au patronat.

    Près d’un an après qu’en reste-t-il ? Rien. Veil a donc envoyé balader Sarkozy. La loi du PS est passée à la trappe, sabotée par la droite. Confronté dès le début à une forte opposition, Yazid Sabeg a mis beaucoup d’eau dans son vin, mais le rapport et les mesures qu’il a proposées ont soulevé un tel tollé chez les sentinelles de l’ordre blanc, toutes tendances confondues, que Sarkozy l’a quasiment désavoué. Au placard, Sabeg !

    Quand la montagne accouche d’une souris

    J’ai dit qu’il ne restait rien de tout ce charivari mais j’aurais dû dire « presque rien ». Plus exactement, il ne reste que l’expérimentation du très contestable CV anonyme, lequel fait l’unanimité à droite et à gauche mais pas chez les chefs d’entreprises. En fait, la décision de promouvoir l’anonymisation du CV est déjà incluse dans la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, promulguée, on s’en souvient, en réaction à la révolte des banlieues. Il y est prévu notamment d’introduire un nouvel article dans le code du travail : « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, les informations mentionnées à l’article L. 121-6 et communiquées par écrit par le candidat à l’emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat. Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. » Plus de 3 ans après sa promulgation, en l’absence de décrets d’application, la loi n’a jamais été appliquée.

    Dans son discours à l’Ecole polytechnique, Sarkozy avait à nouveau évoqué la question mais pour en limiter immédiatement la portée. « Je souhaite que le CV anonyme devienne un réflexe pour les employeurs », déclare-t-il alors, mais, plutôt que de se référer à la loi, il choisit de se référer à l’accord interbranches sur la « diversité », un catalogue de vœux pieux, conclu par les « partenaires sociaux » en 2006 et qui prévoyait seulement l’expérimentation du CV anonyme. « Cette expérimentation, poursuit ainsi Sarkozy, il faut maintenant la conduire. En 2009, le gouvernement proposera à 100 grandes entreprises de mettre en place le CV anonyme. Les résultats diront s’il faut aller plus loin. » Dans son rapport, Sabeg ne va pas au-delà sinon pour annoncer que 150 entreprises et non plus 100 devront se prêter à l’expérimentation.

    Désormais, si l’on en croit les informations fournies par le site WK-RH, tout est en place pour que débute l’opération qui devrait durer jusqu’en mars prochain. « Le comité de pilotage chargé d’élaborer le cahier des charges et de baliser le déroulement, sous l’égide du commissaire à la diversité, mais aussi du ministre du Travail, Xavier Darcos, et du secrétariat d’État chargé de l’emploi, Laurent Wauquiez, vient de rendre sa copie ». En dehors de grandes entreprises comme BNP Paribas, Adecco Accor, Axa et Bouygues Telecom, les volontaires seraient toutefois en nombre insuffisant, et le gouvernement va devoir démarcher auprès des sociétés de plus de 50 salariés pour les inciter à faire « acte de citoyenneté ». Mais ce n’est pas gagné : les patrons détestent qu’on se mêle de leurs oignons [3] !

    Un gadget inefficace

    On pourrait penser que les réticences des chefs d’entreprises à appliquer une telle mesure plaident en sa faveur. En vérité, il n’en est rien. En premier lieu, aussi bien la loi de 2006 que l’expérimentation prévue ne concernent que les sociétés de plus de 50 salariés. Or, les discriminations au recrutement sont massives également dans les entreprises plus petites. En outre, le secteur qui pratique le plus la discrimination raciale est la fonction publique au demeurant pas concernée par le CV anonyme. Admettons cependant que celui-ci soit généralisé. Il n’en resterait pas moins qu’une grande majorité des recrutements continueraient de se pratiquer, non sur la base du CV, mais à travers les réseaux sociaux, les relations directes et les cabinets spécialisés. Admettons encore que toutes ces pratiques de recrutement soient interdites.

    Rien ne garantit que les candidatures indésirables - les bougnoules et les nègres - ne soient pas écartées lors du premier entretien. Il faudrait alors imposer aux candidats de porter un masque. Et encore, ce ne serait pas suffisant : ils devraient aussi travestir leurs accents, modifier leurs manières de parler, de bouger, de s’habiller, etc. « On le fait déjà ! ». « Ah oui, c’est vrai, ben alors il reste plus que le masque ! Mais il faudra le porter toute votre vie parce qu’une fois franchie la barrière du recrutement, il y aura encore d’autres barrières pour vous interdire d’avoir les promotions auxquelles vous aurez droit ou, tout simplement, d’être respectés par la hiérarchie et même par certains de vos collègues blancs. » C’est ça qu’a oublié Mustapha Kessous, le journaliste du Monde qui a fait le récit du racisme auquel il est confronté : il ne faut pas seulement masquer son nom ; il faut devenir un masque...

    CV anonyme et burka

    Or, justement, ce que ne comprennent pas les apôtres du CV anonyme, c’est que nous ne voulons plus porter de masques. Quand bien même l’anonymisation du CV pourrait permettre de réduire le nombre des discriminations raciales, ce ne serait qu’une apparence de réduction. La discrimination fondamentale, c’est le masque obligé. Trouver un emploi grâce au masque ou être exclu d’un emploi faute de masque, c’est également être discriminé. Être contraint de porter un masque est une insupportable atteinte à notre identité, c’est-à-dire à notre dignité.

    C’est devenir invisible. Abstrait. Non pas un être humain de chair, de sang et d’histoire qui voudrait gagner sa vie mais un candidat abstrait, une entité hybride, à la fois « sujet de droits », tel qu’il pourrait sortir d’un dictionnaire juridique, et « bloc de compétences », fabriqué par l’appareil scolaire. Le CV anonyme révèle, en effet, beaucoup de choses sur cette société. Une société qui a tellement peur des particularités qu’elle réduit les gens à des spécifications techniques, comme on pourrait le faire d’une quelconque machine. C’est d’ailleurs quand le mode d’emploi est mal rédigé qu’on assiste à des drames comme les suicides récurrents des employés de France télécom. Normalement, sur chaque nouvel employé livré à l’entreprise, le fabricant aurait dû accoler un avertissement : « Attention : ne pas laisser sous tension plus de 2h. Risque d’explosion suicidaire ».

    La seule manière de concevoir l’égalité, nous dit le CV anonyme, c’est l’égalité de droit entre des individus abstraits. Et c’est peut-être pour cela que les secteurs les plus avancés de la Modernité, en l’occurrence les très grandes entreprises, sont les moins réticents à anonymiser les procédures de recrutements. L’expression « anonyme » ne rend d’ailleurs pas le véritable sens de ce qui est proposé ; il faudrait plutôt dire le « CV abstrait », car, c’est bien d’abstraction dont il s’agit et non pas d’anonymat. Ainsi, la photo d’une candidate portant la « burka » ne rend pas, pour autant, son CV anonyme. Bien au contraire, son corps disparaît pour mettre encore plus en évidence son identité. Son CV souligne avec force que la candidate est dotée d’une individualité autonome, qu’elle a une histoire, une culture, une identité et qu’elle y tient [4]. Elle devient une candidate singulière, spécifique, l’inverse d’une simple force de travail ou d’une citoyenne abstraite.

    On voit, ici, toute l’hypocrisie qui se cache derrière les arguments qui sont opposés au voile intégrale par les éradicateurs islamophobes : « Il n’est pas admissible que le visage des individus soit caché ; l’humanité est dans le regard ; le vivre ensemble est dans l’échange des regards. » En réalité, on veut interdire la « burka » pour invisibiliser les femmes qui le portent, pour les rendre à l’abstraction, pour les déshumaniser. L’individu n’est pas tué par ses particularités communautaires, il est tué par l’Abstraction. C’est ça la « Civilisation ».

    Et la « Civilisation » qui produit des êtres vides et seuls a horreur de ces Arabes et de ces Noirs qui s’obstinent à être des individus « pleins », particuliers, conscients de leurs particularités et fiers de leurs particularités. Le sens réel du CV anonyme, ce n’est pas seulement d’être un instrument futile pour combattre les inégalités raciales, ce n’est pas de renoncer à hiérarchiser les particularités dans le domaine de l’emploi, c’est occulter et arracher les singularités pour faire de chacun un être abstrait. Nous ne sommes tolérables à leurs yeux qu’en devenant l’expression incarnée de la déshumanisation moderne. L’expérimentation du CV anonyme n’est pas là où on la croit. C’est nous qui devenons les cobayes de l’abstraction absolue qui est le rêve que la Modernité voudrait généraliser à toute l’humanité.

    Sadri Khiari, le 30 septembre 09 ici 


    [1] http://www.wk-rh.fr/actualites/detail/15314/cv-anonyme-l-experimentation-nationale-demarrera-debut-octobre.html#

    [2] C’est le titre d’un essai débile publié cette année aux éditions Raisons d’agir. L’auteur s’appelle Walter Benn Michaels.

    [3] Un cabinet de recrutement sur deux est favorable à la mise en œuvre du CV anonyme, la même proportion se disant contre. Tel est le résultat de l’enquête menée au mois de mai par l’association « A Compétence égale » auprès de 39 de ses membres, et présentée dans un rapport sur le CV anonyme remis à Yazid Sabeg, le 11 juin dernier. Ce sont sans doute ces réticences qui ont empêché l’application de la loi de 2006.

    [4] Allez-y, dites « il prône le port de la burka » ; je m’en fous !


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  • La jungle de Calais: Interview d'une activiste No Border

    Frank Vanaerschot et Halil Cikmazkara  

        
    "Cet endroit a été surnommé « La Jungle », parce que les lois françaises n’y sont pas appliquées dans la pratique. La police abuse de ce « vide » et débarque souvent dans la jungle pour y « compter » les réfugiés. En réalité, la police utilise les gaz lacrymogènes en tant que pesticides afin de chasser les réfugiés de leurs tentes comme s’il s’agissait d’insectes. Et, souvent aussi, des mineurs d’âge sont victimes de ces pratiques."

     


    (Photo: noborder.org)

     
    Kif kif. Que faites-vous, à Calais ?
    Lisa (1). Je suis à Calais parce que nous manifestons contre la politique européenne d’asile et d’immigration. Nous essayons d’accroître la conscience des immigrés qui sont ici et, en même temps, nous essayons d’impliquer la population locale dans la problématique des réfugiés. Nous voulons que se dégage une solution commune. Cette solution ne pourra être trouvée que si nous regardons plus loin que les frontières, qu’il s’agisse des frontières de Schengen ou de celles d’un autre territoire. Toutefois, ce n’est pas ce que veulent les hommes politiques. Ceci requiert un changement radical de politique.

    Kif kif. Comment êtes-vous arrivée à Calais ?

     
    Lisa. J’ai été impliquée dans l’organisation No Border depuis mon séjour dans un camp, près de Calais. Ç’a été une expérience intéressante et enrichissante. Nous sommes restés toute une semaine dans la « jungle » (un camp de réfugiés créé par les réfugiés eux-mêmes à Calais), en compagnie des immigrés. Nous avons organisé des ateliers qui étaient ouverts à tout le monde, hormis la police et les journalistes.

    Kif kif. Les journalistes, comme moi ?


    Lisa. (elle rit) Rassurez-vous. Vous auriez pu venir, mais uniquement accompagné par quelqu’un de chez nous et il va de soi que vous n’auriez pas pu emmener de caméra. Nous avons travaillé en compagnie des immigrés et avons tenté de chercher des solutions ensemble. Entre-temps, nous avons rédigé une charte qu’on peut trouver sur notre site Internet. À partir de No Border Camp, un nouveau mouvement est né, désormais : Calais Solidarité Migrants. Nous recevons beaucoup de réactions positives et de feedbacks d’un tas d’endroits, depuis que nous avons commencé à publier sur notre site.

    Des réfugiés en fuite devant la politique d’asile européenne

    Kif kif. Pouvez-vous nous parler de la situation des migrants à Calais ? D’où viennent-ils et comment y sont-ils arrivés ?


    Lisa. Calais est un petit village, mais a une situation stratégique pour les migrants qui veulent aller en Angleterre. L’Angleterre est à quelques 22 milles (35 km) de la frontière de la zone Schengen en France. Les réfugiés qui ne répondaient pas aux conditions pour être acceptés sur le continent européen (la zone Schengen) veulent aller en Angleterre, parce qu’on y applique une autre politique de l’immigration que le modèle européen en vigueur sur la zone Schengen. Les gens qui viennent à Calais sont originaires du monde entier.  Une grande partie vient d’Afrique : Érythrée, Soudan, Tunisie et Égypte. Un autre groupe important de migrants à Calais est originaire d’Afghanistan, Iran, Irak et Palestine.

    Il y a donc un important degré de différences et de diversités, parmi les migrants présents. Cette diversité est ce qui m’a le plus surprise. D’une part, il y a les gens originaires d’Afrique. Ils ont plus vite tendance à se réunir, à vivre en relations de groupe. Ils choisissent des immeubles abandonnés pour y vivre. D’autre part, il y a par exemple les Afghans qui viennent en groupes importants mais qui ont l’esprit individualiste. Ils s’isolent rapidement et veulent aller en Angleterre par leurs propres moyens. On ne les verra pas vite entreprendre une tentative de traversée en groupe vers l’Angleterre.
    La plupart sont débarqués ici par des passeurs d’hommes et paient beaucoup pour cela : 5.000 euros, voire 10.000 euros pour venir d’Afghanistan. La plupart des passeurs vivent aussi à Calais, mais ne passent pas tout leur temps avec les réfugiés. Ils sont surtout d’origine kurde. Il règne un climat de tension, même entre eux.

    Kif kif. Que voulez-vous dire par « même entre eux » ? Entre les divers groupes de migrants ?


    Lisa. En fait, je voulais dire entre les passeurs. Mais il y a également des frictions ethniques entre les migrants. L’Afghanistan, par exemple, est un grand pays avec une grande diversité. Tout comme en Belgique, on y parle plusieurs langues, comme le dari (une langue persane), le pachtoun ainsi que le hazaragi (également une langue persane). À l’intérieur de la « jungle », ils délimitent leur propre territoire par des camps de tentes séparés. Parfois, il y a même eu des conflits entre ces divers groupes afghans. Pendant le No Border Camp, par exemple, un conflit est également apparu entre les Kurdes et les Afghans. C’est une situation épineuse très malaisée à maîtriser.

    Kif kif. Quelles procédures (légales) ces migrants doivent-ils suivre, quand ils arrivent à Calais ?


    Lisa. S’ils veulent séjourner en France (Lisa insiste sur le fait que c’est rare) et que les directives françaises sur l’immigration suivent, alors, il n’est pas utile d’aller à Calais. Ils pourraient séjourner à Paris. Ils peuvent toutefois demander asile à Calais. Pour cela, ils doivent se rendre auprès des autorités locales (la préfecture) et y demander asile. Là, on leur dit surtout que leur demande ne sera pas traitée s’ils sont seuls. Ils doivent venir avec une organisation humanitaire ou avec une personne qui peut les assister. C’est toutefois illégal, les migrants ont le droit de demander l’asile sans accompagnement. La procédure pour les adultes diffère aussi de celle pour les enfants et les mineurs d’âge : certains mineurs d’âge sont par exemple placés dans des centres sociaux, en attente de leur procédure.

    Kif kif. La plupart de ces réfugiés ne veulent pas demander l’asile en France. Ils veulent quand même aller en Angleterre ?


    Lisa. Oui, la plupart veulent aller en Angleterre. Mais les gens qui essaient toujours d’y aller au bout de huit mois sans pouvoir entrer en Angleterre, changent parfois d’avis et demandent alors l’asile en France.

    Kif kif. Pour demander l’asile en Angleterre, ils doivent d’abord y débarquer en tant qu’illégaux. Ne peuvent-ils rien entreprendre à Calais ?


    Lisa. Malheureusement, les réfugiés n’ont généralement pas de documents sur eux. Quand ils sont arrivés en Europe, ils en avaient peut-être mais, la première fois qu’ils sont entrés en contact avec la police, leurs documents ont été confisqués et ils sont ainsi encore plus illégaux qu’ils ne l’étaient déjà avant. De ce fait, ils ne peuvent pas se rendre dans d’autres pays hors de la zone Schengen et leur liberté de mouvement à l’intérieur de la zone Schengen est restreinte elle aussi. Pour aller en Angleterre, ces personnes ont surtout encore besoin d’un visa et, du fait qu’ils ne possèdent plus les documents adéquats, ils ne peuvent donc se procurer ce visa. Comme alternative, ils passent illégalement en Angleterre.

    Kif kif. Quelle est la principale raison pour laquelle ces gens veulent demander l’asile en Angleterre ?


    Lisa. Parce la politique d’asile y diffère de celle de l’Europe. En théorie, la politique de l’UE et celle de l’Angleterre ne diffèrent pas beaucoup, car toutes deux promettent entre autres une aide financière et un lieu de séjour aux demandeurs d’asile pendant que leur procédure est en cours. Le problème, c’est qu’un certain nombre de pays européens, comme la Grèce, l’Italie et la France, ne respectent pas (suffisamment) cette procédure. Ils ne proposent un lieu de séjour que pendant deux mois et, ensuite, les autorités n’accordent plus d’aide, même si la procédure dure souvent entre deux et quatre ans. L’« aide » proposée n’est nullement efficace. Les autorités n’assument pas leurs responsabilités. En même temps, la politique d’asile interdit aux demandeurs de travailler, durant cette même période. La seule chose qu’ils peuvent faire, c’est attendre la réponse. C’est inadmissible.

    Kif kif. N’y a-t-il pas de voie légale pour obtenir un revenu ?


    Lisa. Ils ont un papier avec lequel ils peuvent réglementairement séjourner dans le pays tant que leur procédure n’est pas écoulée. On sait bien que ce papier est sans valeur, si les autorités accordent à ces personnes un lieu de séjour pour deux ou trois mois. Si ces personnes reçoivent le statut de réfugiés, elles n’ont toujours pas pour autant de moyens de survie. À Calais, il y a beaucoup de réfugiés qui ont au départ demandé « sans le vouloir » l’asile en Italie et en Grèce tout simplement parce qu’on y a enregistré leurs empreintes digitales. Mais vu que les conditions de vie sont épouvantables là-bas, ils n’ont pas attendu la fin de leur procédure et sont donc venus à Calais, en espérant rejoindre l’Angleterre.

    Kif kif. À quoi ressemble la politique française d’immigration ? Comment est-elle mise en pratique ?


    Lisa. Comparée à d’autres pays européens, la France n’a pas la pire politique d’asile, mais elle pourrait faire beaucoup mieux. La Grèce, par exemple, n’accepte que 0,006 % des demandeurs d’asile qui introduisent effectivement une demande. C’est le pays d’Europe où débarquent le plus de réfugiés. La France, par contre, a admis quelque 33.000 demandeurs d’asile en 2008. Le principal problème reste toutefois que, dans la plupart des pays européens, les procédures prennent bien trop de temps. Le délai d’une procédure peut facilement traîner quatre années. D’année en année, les procédures se compliquent davantage. Toute nouvelle proposition de la Commission européenne en matière d’asile et de migration débouche sur une procédure encore plus difficile. Un autre obstacle est le fait que la France refuse un grand nombre de demandes, parce qu’il y existe des quotas officieux selon lesquels, chaque année, un certain nombre de réfugiés est accepté sur une zone précise.

    Les lois européennes de la « jungle »

    Kif kif. Reparlons un peu de Calais. Voici quinze jours, la « jungle » a été fermée et démolie. Quel est le rôle des autorités locales et de la police ?


    Lisa. La « jungle » est née voici des années et c’est un centre à ciel ouvert. Elle n’est pas gérée par une organisation humanitaire, mais par les réfugiés eux-mêmes, avec toutes les conséquences que cela suppose. Il y a encore des milliers de migrants qui séjournent dans les environs de Calais, en dehors de la « jungle ».

    Kif kif. Les réfugiés gèrent donc la « jungle » eux-mêmes ?


    Lisa. Oui, en effet, c’est là qu’ils vivent. Cet endroit a été surnommé la « Jungle », parce que les lois françaises n’y sont pas appliquées dans la pratique. La police abuse de ce « vide » et débarque souvent dans la « jungle » pour y « compter » les réfugiés. En réalité, la police utilise les gaz lacrymogènes en tant que pesticides afin de chasser les réfugiés de leurs tentes comme s’il s’agissait d’insectes. Et, souvent aussi, des mineurs d’âge sont victimes de ces pratiques.
    Le jour qui a précédé la fermeture de la « jungle », les policiers se sont également amenés pour compter le nombre de réfugiés ; de la sorte, ils savaient combien de forgons il leur fallait prévoir.

    Kif kif. Ces pratiques étaient-elles fréquentes ?


    Lisa. Oh que oui ! D’après les réfugiés, les policiers sont venus au moins deux fois par semaine depuis la naissance de la « jungle ». Mais la police grecque est en fait encore plus grave : elle poursuit les réfugiés dans les rues et les maltraite. Elle m’a également poursuivie quand j’y suis allée avec No Border. Tel est le pouvoir effectif exercé là-bas par les autorités !
    Enfin, revenons-en à la « jungle ». Les libertés fondamentales comme les droits de l’homme ne sont tout simplement pas respectées. Les gens vivent dans des conditions épouvantables. Il y a certes des organisations qui apportent de l’aide, comme Médecins sans frontières (MSF). Ils ont offert de l’aide via des programmes, afin de couvrir certains besoins de base. Les autorités ne veulent toutefois pas que ces organisations fassent leur travail, elles veulent que ces gens vivent dans des conditions les plus misérables qui soient.

    Les autorités utilisent cela comme argument pour fermer ces endroits. Cela a eu lieu effectivement. Ainsi, MSF avait mis sur pied un programme visant à aider les réfugiés pour combattre la gale, une sale maladie de la peau. Bien des réfugiés en souffrent en raison du manque d’hygiène. Deux jours avant le lancement du programme, les autorités ont demandé à MSF d’annuler leur programme parce qu’elles allaient installer des douches dans la « jungle » et que, de la sorte, le problème d’hygiène allait être résolu. Là-dessus, MSF a arrêté son programme mais les autorités avaient fait une fausse promesse et il n’y a jamais eu de douches.


    De cette façon, les autorités ont donc contribué à créer les conditions misérables de la « jungle ». Eric Besson (l’actuel ministre français de l’Immigration) a justifié la fermeture de la « jungle » en disant que les épidémies, la criminalité et les passeurs d’hommes constituaient un problème pour la société. C’est hypocrite.

    Primo, le problème des épidémies pouvait être facilement résolu en installant des douches.

    Secundo, l’utilisation de l’argument de la criminalité est exagérée : environ 80 % des habitants de Calais n’ont jamais entendu parler de la « jungle » et y ont donc encore moins mis les pieds. En outre, les migrants préfèrent ne pas aller à Calais afin d’éviter les confrontations avec la police. Et s’ils ont quand même décidé d’aller en ville pour y faire des courses, ils préfèrent aller dans les supermarchés bon marché les plus proches.

    Tertio, selon Besson, les passeurs vivent dans la « jungle ». Il déforme la vérité. Les passeurs amènent les réfugiés dans la « jungle » et exigent ensuite 5.000 euros de plus pour les amener en Grande-Bretagne. Au contraire des réfugiés, ces passeurs ont assez d’argent pour vivre à Calais même. Ils ne se pointent que la nuit ; certains passeurs y séjournent effectivement, mais c’est afin de tenir un groupe de réfugiés sous leur contrôle.  Si Besson a pensé qu’il contribuait à résoudre la problématique en fermant la « jungle », il s’est mis le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Les passeurs étaient au courant de la fermeture et ils étaient déjà partis depuis longtemps avant la démolition de la « jungle ». Besson déforme la vérité et essaie de justifier ses actes avec de faux arguments.


    N’oublions pas non plus le rôle social et politique joué par les organisations présentes, comme MSF. Un rôle social au vu de leur présence accrue dans la société durant toutes les années de présence ici. Ils donnent de la nourriture, un toit et satisfont aussi d’autres besoins fondamentaux. Leur rôle politique consiste en ce qu’elles confèrent un caractère visible à l’aide humanitaire à Calais et qu’elles reçoivent de l’argent pour des problèmes dont le pouvoir ne s’occupe pas.

    Le rôle des ONG : de Salaam à La belle étoile

    Kif kif. Vous parlez d’ONG. Quelles sont celles qui sont impliquées, ici ?


    Lisa. Salaam est la plus grosse ONG sur place. Ils se sont investis dès le tout premier jour, dans la « jungle ». Une autre ONG est La belle étoile. Ces deux organisations importantes se chargent deux fois par jour de la distribution de nourriture dans la « jungle », mais en dehors aussi, aux Érythréens, aux Somaliens et à d’autres encore. Ils s’occupent parfois aussi des procédures d’asile. C’est pourquoi les réfugiés qui, de leur propre initiative, se rendent auprès des autorités locales pour une demande d’asile, s’entendent souvent dire de revenir avec quelqu’un de Salaam.

    Kif kif. Les ONG institutionnalisent donc plus ou moins leur fonctionnement local. Comment se comporte la politique, telle que vous la décrivez, à l’égard des droits des réfugiés repris dans la Convention de Genève (CG) ?


    Lisa. En fait, la question, ça revient à demander si l’Europe respecte la CG, vu que la France est membre de l’Union européenne. Tous les États membres sont donc censés suivre la même politique et les mêmes procédures. La CG définit les critères permettant d’entrer en ligne de compte pour le statut de réfugié. Les personnes qui sont poursuivies sur base de la race, du groupe social, de la pensée politique et d’autres discriminations mentales et physiques sont donc considérées comme des réfugiés. L’Europe unie a appliqué plus tard une procédure complexe pour redéfinir le statut de réfugié, mais elle s’appuie toutefois sur la CG. Avec les nouveaux protocoles de la Convention européenne des droits de l’homme, on tente d’intégrer la CG dans les normes de l’UE. L’UE respecte donc la CG.

    Kif kif. Ici, on parle de théorie, mais comment cela se traduit-il dans la pratique ?


    Lisa. Dans la pratique, en effet, il en va tout autrement. Quand une personne est réellement poursuivie en raison de ses choix politiques mais ne peut en apporter la preuve concrète, bien qu’elle présente des séquelles et qu’elle soit malade mentalement à force d’être poursuivie par l’armée de son pays, cela ne suffit pas, selon les normes européennes. L’Europe veut voir de plus en plus de preuves, alors que les réfugiés, souvent, n’en ont pas.
     
    Kif kif. Vous parliez tantôt de quotas. Ne sont-ils toutefois pas en contradiction avec la CG, vu qu’il y a potentiellement plus de gens qui fuient pour des raisons légitimes que n’en acceptent les quotas ?


    Lisa. Effectivement. Ces quotas ont été lancés dans des périodes de grand afflux de migrants. Maintenant, si un État membre ne veut pas accepter quelqu’un, il ne le fera tout simplement pas, même s’il existe une preuve formelle que cette personne est pourchassée. Un autre problème, c’est que les travailleurs qui doivent décider de l’acceptation ou non d’une personne, ne sont pas suffisamment formés sur les pays d’origine, les poursuites qui y ont lieu et les véritables problèmes auxquelles ces personnes sont confrontées.

    L’UNHCR. Une commission supérieure au profil « bas »

    Kif kif. Il y a encore une organisation que nous n’avons pas citée, l’United Nations Higher Commission for Refugees (UNHCR – Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), qui est également présent à Calais. Quel est son impact sur la situation ?


    Lisa. Quand, après le 7 juillet, la France et l’Angleterre se sont mises d’accord pour accroître le nombre de contrôles aux frontières, j’ai été sidérée de voir que l’UNHCR avait décidé d’ouvrir un bureau dans la « jungle ». En raison de la complexité des problèmes de Calais, a-t-il expliqué, il a été jugé nécessaire d’être sur place afin de protéger les réfugiés. Leur véritable attitude, telle que j’ai pu la constater, a été celle-ci : « Êtes-vous un réfugié ? Oui ? Dans ce cas, je discute avec vous. Vous voulez demander l’asile ? Alors, je ne discute pas. » Il a vraiment sélectionné les gens. Sans chercher une solution adaptée à la situation dans la « jungle ». À l’instar d’ l’IOM (International Organisation of Migration), l’UNHCR a tenté d’accroître le nombre de rapatriements forcés. Ils consacrent plus d’attention à stimuler le rapatriement forcé qu’à exercer des pressions sur le gouvernement français pour qu’il se penche sur les procédures individuelles.


    D’autre part, la France et l’Angleterre ont hélas déclaré qu’elles allaient organiser des vols de charters pour organiser ce retour forcé, même si, dans la Convention européenne des droits de l’homme, figure un paragraphe qui réprouve le recours à des vols collectifs de rapatriement (l’Angleterre n’a pas signé cette convention). Sans examiner les dossiers cas par cas. C’est une procédure illégale.

    Kif kif. Cela signifie-t-il que, lorsqu’une personne est arrêtée sans papiers en rue mais qu’elle désire demander l’asile, elle ne bénéficie pas d’une procédure et est embarquée dans un avion ?


    Lisa. En effet, une personne peut être placée dans un centre de détention pour ensuite être expulsée 48 heures plus tard.

    Kif kif. Sans procédure ?


    Lisa. Hélas, il arrive souvent que la personne ne soit même pas entendue. C’est pourquoi tant d’immigrés pensent qu’en Angleterre, au moins, ils seront entendus. D’ailleurs, le jour de la fermeture de la « jungle », l’UNHCR n’était pas présent. Par contre, la veille et le lendemain, il y avait bien quelqu’un. En Grèce, cet été, l’UNHCR a recouru à des pratiques similaires quand, à Patras, une autre « jungle » a été démantelée. Bien que, là, les choses se soient déroulées différemment. L’UNHCR a emmené quelques migrants, y compris des mineurs, qui n’avaient pas demandé de procédure d’asile, et les a transférés dans des centres de détention. Il allait exercer plus de pressions sur les autorités mais ils ne l’ont finalement pas fait. Il a pourtant beaucoup d’influence, c’est l’une des plus importantes institutions, en ce qui concerne l’asile et la migration. Aujourd’hui, il exerce des pressions pour que soit fermé le centre de détention grec de Pagani, parce qu’il a été reconnu que les réfugiés y vivaient dans des conditions lamentables.

    L’euro-répression : un traitement des symptômes pour un problème de structures



    Kif kif. La « jungle » a été fermée et démantelée voici une quinzaine. Qu’est-il advenu des gens qui y vivaient ?

    Lisa. La « jungle » et un autre bâtiment squatté ont été démolis, mais ce n’est pas une solution. On peut comparer cela à essayer de contenir un cours d’eau qui veut aller à la mer. D’autres « jungles » apparaissent dans les environs de Calais, à Dunkerque et Grande-Synthe. Le jour de la fermeture, il y a eu en ces endroits des chasses à l’homme contre les immigrés et elles ont entraîné de nombreuses arrestations. Cela s’est produit également en d’autres endroits, comme à Ostende, en Belgique. Toutes ces personnes ont été arrêtées parce qu’elles essayaient de rallier l’Angleterre. Je pense que les passeurs continueront. Et ils imposeront même des prix plus élevés, vu le danger. Les réfugiés vont devoir payer plus pour aller à Calais ou en Angleterre.


    Bref, la fermeture de la « jungle » ne résout rien. Ce qui me choque, en outre, c’est que l’opinion publique en France ou dans d’autres pays européens n’adopte pas un point de vue critique à l’égard de cette problématique. J’estime toutefois que c’est une bonne chose que, dans ces pays européens, il y ait toutefois des gens qui manifestent pour s’opposer à ces situations déplorables. Ces manifestations ne devraient d’ailleurs pas concerner les droits de l’homme de ces réfugiés. Bien sûr, je suis pour les droits de l’homme, mais nous devrions diriger nos critiques sur la mauvaise politique européenne en matière de migration  et sur le non-respect des règles par certains États membres. La migration ne peut être empêchée par des appareils high-tech ni par des contrôles dans les ports et les camions par la police anglaise sur le territoire français.

    La migration ne peut être arrêtée par le « délit de solidarité ». On risque une amende de 500 euros et une peine de prison de trois ans pour avoir prêté assistance à un réfugié, en France. Mais cela va plus loin que cela : il y a des propositions de l’UE pour appliquer la convention de Dublin. Cette convention et le système Eurodac constituent les raisons principales pour lesquelles les demandeurs d’asile veulent quitter la zone Schengen. Ils ont déjà demandé asile plus tôt dans d’autres pays comme la Grèce et l’Italie, mais ils ne veulent pas retourner dans ces pays en raison des conditions pénibles qu’ils vont y connaître.

    Kif kif. Après la fermeture et le démantèlement de la « jungle », certains ont été arrêtés et les autres se sont enfuis. Y a-t-il une route le long de la côte par laquelle les migrants tentent d’atteindre l’Angleterre ?


    Lisa. Récemment, j’ai vu une carte de nouveaux camps de tentes. Ils se trouvent le long de la côte entre Calais et Knokke et ils sont concentrés autour de Calais, Dunkerke, Ostende et Knokke. Une fois encore, la réponse à cela n’a pas été un changement de politique, mais un accroissement des contrôles par Frontex.

    Kif kif. Vous pouvez m’en dire plus, sur Frontex ?


    Lisa. Frontex est un organe de l’Union européenne qui est chargé de la surveillance des frontières de l’Union européenne et est composé de la police des frontières de chaque État membre. L’Italie a désiré une collaboration avec la Libye, via Frontex et, aujourd’hui, ils tirent sur les migrants qui tentent de rallier l’Italie.


    La veille de la fermeture de la « jungle », Eric Besson, le ministre français de l’Immigration, s’est rendu à Bruxelles pour lancer la proposition au Conseil des ministres européens de l’Intérieur d’engager Frontex dans le territoire frontalier entre la France, la Belgique et l’Angleterre. C’est effrayant, parce que l’Angleterre n’est pas la Libye et que, géographiquement parlant, elle fait partie de l’Europe. Jusqu’à présent, la Commission européenne et le Parlement européen ne sont pas sur la même longueur d’onde en ce qui concerne cette proposition. Cela éloignerait encore plus l’Angleterre de l’Union européenne, au lieu de contribuer à l’intégrer un peu plus.

    Kif kif. Nous avons parlé d’aujourd’hui et du passé. Que pensez-vous que l’avenir apportera à ces réfugiés ?


    Lisa. L’Angleterre a officiellement déclaré qu’elle ne reconnaîtrait aucun réfugié en provenance de Calais. Les migrants vont toutefois continuer à essayer d’y arriver coup sur coup. L’Angleterre dit que s’ils sont des demandeurs d’asile légitimes, ils peuvent recevoir l’asile dans le pays où ils arrivent. Mais l’Angleterre nie les diverses circonstances dans les divers États membres et leurs procédures d’asile respectives.


    L’Europe veut une politique d’asile commune mais il n’empêche que chaque État membre a une autre manière bien à lui d’appliquer la procédure commune. Ce sont surtout les conséquences des procédures qui diffèrent fortement dans divers États membres. Que va-t-il advenir des migrants ? Ils seront fourrés dans des centres de détention. C’est pourquoi l’Union européenne en construit de plus en plus, surtout au nord de Paris. Heureusement, une partie de la société s’y oppose. Sur le plan juridique, on a également enregistré des progrès. Un certain nombre de juges ont déclaré irrégulières une grande partie des arrestations qui ont eu lieu dans le sillage de la fermeture de la « jungle ».


    Toutefois, je suis sûre que les migrants continueront d’aller en Angleterre tant que la politique d’asile dans la zone Schengen ne sera pas réformée. Par contre, je ne suis pas convaincue qu’une procédure d’asile commune serait d’une grande utilité. Ainsi, il y a par exemple un plan pour ouvrir en 2010 des bureaux d’asile en guise de soutien général. De ce fait, nous aurons les mêmes bureaux d’asile dans chaque État membre de la zone Schengen. Et ainsi, cela n’aurait plus d’importance que vous demandiez l’asile en Belgique ou en Grèce, les gens pourraient travailler partout selon les mêmes normes. S’il y a une base pour ce faire, les quotas au niveau européen pourraient être rapidement supprimés, ce qui faciliterait la situation pour les réfugiés. Mais, pour mettre ce système sur ses rails, il va falloir vraisemblablement patienter pas mal d’années encore.


    J’espère de tout cœur que la société et, en particulier, le monde associatif dans son ensemble, va se positionner autrement et exercer plus de pression sur les autorités afin que nous puissions assister les demandeurs d’asile dans leur combat. Nous devons adopter une position dans ce débat et chercher une meilleure solution.


    J’ai déjà discuté de cela avec bien des réfugiés et ils disent tous la même chose : « Nous ne voulons pas forcer la société ou les gens de Calais à se battre contre nous. C’est un problème entre nous et les autorités. Ce sont les autorités qui sont responsables de notre situation. » Je suis toutefois convaincue que, si les gens de Calais reconnaissent que la cause se trouve du côté des autorités et que ces autorités sont au pouvoir parce que ce sont eux qui les y ont élues, ils auront une plus grande conscience de ce problème, y réfléchiront et chercheront peut-être une autre solution. Sarkozy a été élu par les Français, Berlusconi par les Italiens. Si nous pouvions conscientiser les gens autour de ce problème, leur voix pourrait leur permettra d’exercer une influence sur la politique !
     
    Traduit par Jean-Marie Flémal pour Investig'Action.
     
    Source: Kif Kif  et Michel Collon 


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