• avdSarkozy "À visage découvert" sur France 5

    Office de radio-télévision sarkozyste

    Par Olivier Bonnet (Plume de Presse)

    Peut-on tomber plus bas ? On a honte pour sa profession quand on regarde, médusé, l’hallucinant portrait-entretien avec Nicolas Sarkozy réalisé par deux journalistes, Bernard Vaillot (à gauche ci-contre) et Christian Malar, orienté sur la politique étrangère et diffusé le 13 juillet dernier sur France 5 sous le titre d’À visage découvert. Jugez plutôt.

    « D’où vous vient cette énergie permanente ? »

    « L’homme a des ambitions qu’il cherche à imposer quitte à provoquer la rupture avec les habitudes et les consensus. Ses armes essentielles : la volonté et une force de persuasion peu banale. »

    « Convaincre, séduire, argumenter, déjà, il aime ça passionnément. »

    « La mairie de Neuilly, personne n’y croyait, même pas sa famille. Et pourtant, il l’emporte. »

    « Il est désormais à la tête de l’État et, comme d’habitude, ce n’est pas pour faire de la figuration. Le mot d’ordre est toujours le même : action et obligation de résultats. »

    « Pour lui, on ne fait jamais assez. Il est très exigeant à l’égard de lui-même, à l’égard de ses collaborateurs. »

    « C’est surtout la présidence européenne qui le révèle. » « Oui, et je dirais même plus, je crois qu’en six mois Nicolas Sarkozy acquiert une véritable dimension internationale. Et, à l’époque, le contexte n’est pas facile. » « Tu vois, comme dit le proverbe, c’est souvent dans la difficulté que les hommes se révèlent. »

    « La France artisane de l’Europe ! La France présidente de l’Europe ! À l’échelle européenne comme sur le plan national, Nicolas Sarkozy applique sa technique : faire bouger les lignes et jouer l’ouverture. (...) N’empêche, pour une fois, l’Europe a joué un rôle. La présidence française a bousculé les vieilles habitudes de l’Union, brisé les règles du protocole. Une Europe qui agit : la stratégie est payante et saluée par les Vingt-Sept. »

    pravda5« Alors, pour rassurer et convaincre les États-Unis de laisser l’Europe construire sa défense, la France réintègre les structures de commandement de l’Otan et, en gage de bonne volonté, Nicolas Sarkozy envoie 700 militaires supplémentaires en Afghanistan. » « Le général de Gaulle avait claqué la porte en 66, tu sais ? » « Oui mais depuis, la situation était devenue très hypocrite : on participait à tout mais on n’avait pas le droit à la parole. » « OK. Alors aujourd’hui on est complètement à l’intérieur de l’Otan et on a notre mot à dire. »

    « Il obtient la libération des infirmières bulgares, il tente de convaincre les Farc de relâcher Ingrid Betancourt. En fait, il essaie de mettre en pratique une de ses ambitions affichées pendant la campagne électorale, à savoir : la défense des Droits de l’Homme. »

    « Nicolas Sarkozy est donc un homme aux ambitions multiples et, pour les réaliser, il affiche une volonté tenace et s’inscrit dans une action permanente. »

    Non contents de reprendre à leur compte le discours sarkozyste sur tous les sujets abordés, récitant l’évangile l’UMP, Malar et Vaillot donnent la parole à des intervenants tous élogieux vis-à-vis de Sarkozy : Tony Blair, Gordon Brown, Angela Merkel (« Un homme politique très courageux qui va droit au but et qui ne perd pas son temps. »), Henri Guaino, Jacques Barrot et Claude Guéant. Pas un seul opposant au chef de l’État ne s’exprime, tout simplement comme si son action était si incontestable qu’il n’existait aucun interlocuteur susceptible de le critiquer. Ce que le blog Fariboles et calembredaines, à qui nous empruntons l’illustration Pravda 5 ci-dessus, résume ainsi : "Chaîne de la connaissance, France 5 a fait preuve avec ce film d’une louable volonté pédagogique, puisque nos deux journalistes se sont également appliqués à nous expliquer pourquoi le retour dans l’Otan c’est bien, pourquoi la présidence française de l’UE c’est la mieux de toute l’histoire, pourquoi le rapprochement avec les USA c’est bien, pourquoi l’Union pour la Méditerranée c’est bien, bref, pourquoi tout ce que fait notre président, c’est bien. Et même qu’en plus, c’est un gars formidable. La preuve, Tony Blair, Gordon Brown, Angela Merkel, Henri Guaino et Claude Guéant ne cessent de nous le répéter." Quant à Sarkozy lui-même, il profère deux énormités invraisemblables sans que nos deux àplatventristes ne disent mot. « Je ne dis pas que le Proche et le Moyen Orient ont besoin de démocratie mais de diversité », ose-t-il. Ben oui, pensez donc, la démocratie pour les Arabes ? Mais où va-t-on ? « Les États-Unis sont la première puissance démographique du monde.  » A-t-il jamais entendu parler de la Chine ?

    logoSamuel Gontier, pour Télérama, se livre à une charge féroce autant que jubilatoire contre le pathétique exercice de ceux qu’il nomme Dupond et Dupont : "ils n’emploient jamais les mots « intelligence », « réflexion », « génie », ni les expressions « fleuve de la pensée », « petit père du peuple », « dieu vivant ». C’est dire la violence de leur pamphlet. (...) Monsieur de Carolis (président de France Télévisions, NdA), je sais que, en vertu des pouvoirs qui vous sont conférés, vous ne dédaignez pas porter plainte contre vos salariés. Aussi, je vous supplie de dénoncer Dupond et Dupont à la police et de remettre la vidéo de leurs méfaits à la justice. Faites vite ! Avant qu’ils demandent l’asile politique à la Corée du Nord pour réaliser le portrait de Kim Jong-il." Reste à vous livrer le verbatim de la conclusion de cet épisode d’À visage découvert, sous la forme d’un ultime dialogue entre les deux "journalistes" : "Finalement, ce qui est frappant avec Nicolas Sarkozy, c’est... il a un peu changé quand même, attaque Vaillot, lui qu’on connaissait plutôt accessible, direct, on a l’impression aujourd’hui qu’il prend un peu plus de distance, un peu plus de hauteur. C’est une manière de se protéger des médias tu crois ?" dupond dupontponse de Malar : "Non, je pense qu’il a pris conscience de son rôle, de la fonction qu’il incarne, bref, j’ai quand même le sentiment qu’il s’est présidentialisé". Vaillot rebondit : "En tout cas, ce qui n’a pas changé, ce sont ses ambitions, elles demeurent les mêmes. Maintenant, est-ce que durant les trois années qu’il lui reste, il aura le temps de tout réaliser ?" Le mot de la fin à Malar : "Hé, qui te dit qu’il n’y aura pas un deuxième mandat ? Ça..." (vidéo en ligne ici) On a l’impression que pour lui, ça ne fait guère de doute. France 5 aura en tout cas fait son possible pour aider le président dans cette entreprise. Interrogé par le Journal du dimanche, un "responsable du service public audiovisuel, qui a souhaité conserver l’anonymat", accuse : "Patrick de Carolis veut donner des gages de bonnes conduites de sa maison. Il n’a pas encore renoncé à conserver son poste, donc il fait tout pour redresser la barre et montrer au pouvoir en place qu’il peut être un allié plutôt qu’un ennemi." Et Benoît Hamon, porte-parole du PS, ne décolère pas, dénonçant une "hagiographie digne d’une république bananière" et un "service public audiovisuel qui est purement et simplement mis au service de la communication politique du président". Face à cette ô combien légitime critique, Malvar ne se démonte pas : "A-t-il un regret sur le contenu de documentaire ?", lui demande le JDD. "Oui, l’interview n’a duré que 30 minutes au lieu de 45". Et le pluralisme, la diversité des points de vue qu’un journaliste faisant correctement son métier se doit de présenter ? Le chef du service Étranger de France 3 (et oui !) s’asseoit royalement dessus. Et au final, le service public a osé diffusé un programme si caricaturalement partisan en faveur du Pouvoir qu’on le croirait sorti tout droit de la chaîne de télévision unique d’une quelconque dictature. Affligeant, mais guère surprenant : nous vous annoncions en mai 2008 le retour de la télé d’État.

    Pour reprendre enfin la conclusion de nos deux compères, espéront pour eux qu’ils ont raison et que Sarkozy fera bien un second mandat. Parce que sinon, Vaillot et Malar devront être tondus à la libération !


    Source: Plume de Presse

    publié par roland (Dazibaouebmaster) Hier 08H15


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    On ne fera pas semblant de constater que la police fait mal son travail : la police fait le travail quelle a à faire. Il lui faut autant que possible retarder lexplosion quelle ne pourra pas empêcher, et que les dérisoires pantins du G8 sont eux-mêmes dores et déjà forcés de prendre en compte. Cette explosion à venir sera la traduction politique de la «crise» qui affecte léconomie. Un éléphant socialiste le remarquait récemment dans les colonnes du Monde : la multiplication par deux du nombre de chômeurs et de précaires dans les pays riches, prévue à lhorizon 2010, pourrait difficilement rester sans conséquences.

    Devant cet état de fait, on peut soit se demander quels remèdes vont permettre de relancer l
    économie, soit se dire quil y a là loccasion pour que jamais plus léconomie ne se relance, et quun avenir désirable souvre de nouveau. Ceux qui défendent le second point de vue sont pour le moins minoritaires, mais leur discours est devenu beaucoup plus audible qu’il ne lavait été pendant des décennies. Ceux qui défendent le premier point de vue ont pour souci premier de contenir cette audibilité. Autrement dit, ils doivent faire en sorte que la disposition à ne plus jouer le jeu de léconomie ne se diffuse pas, quelle reste à lintérieur des étroites limites au sein desquelles on avait réussi à la cantonner : cercles militants, associatifs et «radicaux». Mais cette opération va savérer de plus en plus délicate. Panser les plaies de la finance mondiale est une chose, faire accepter une précarisation sans précédent en est une autre.

    Le pouvoir a donc un objectif précis : étouffer, aussi longtemps qu
    il sera possible, les étincelles susceptibles de déclencher une explosion que chacun sait par ailleurs inéluctable. Ce qui veut dire aussi : étouffer la perception de la contingence radicale de léconomie et de ses impératifs. Pour cela, la police a carte blanche. Elle peut donc réprimer, expulser, emprisonner, casser des têtes, crever des yeux, lacérer des visages, briser des vies. En blesser un pour en effrayer cent. Elle choisira de préférence ses cibles dans les milieux politiques réputés les plus radicaux, et pourra alors invoquer le combat contre le terrorisme. La terreur d’État ne donne pas lieu à des «bavures», mais réduit les corps à sa merci, comme le savent déjà les habitants de Firminy.

    Tous les moyens sont bons pour combattre les terroristes, disent la police et ses juges. Nous sommes bien d
    accord ; à ceci près que les terroristes, ce sont eux. En finir avec la police et léconomie, par tous les moyens nécessaires.

    Des membres présumés de
    la «mouvance anarcho-autonome»,
    9 juillet 2009.

    JURA LIBERTAIRE 



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  • Des forces de la police anti-émeutes du Honduras ont réprimées ce mercredi une manifestation d'organisations féminines antiputschistes qui protestaient en face d'une institution gouvernementale.

    Des images diffusées par la chaine 36 de la télévision ont montré un des agents qui pointait un fusil lance grenade lacrymogènes sur une manifestante et la réaction indignée de celle-ci.

    "Plusieurs d'entre nous ont été frappées. Ils nous ont attrapés par le dos. Nous ne pouvons pas les affronter parce qu'ils ont les armes", a dit une femme énervée.

    Une autre victimes, identifiée seulement comme Kelia, a montré aux caméras les lésions subies dans le cou par une clef d'étranglement effectuée par un des agents.

    Ils m'ont attrapé par le cou, a raconté la femme et a commenté qu'elle a essayé de les empêcher  de rouer de coups une de ses compagnes.

    Les manifestantes ont bloqué les entrées de l'Institut National de la Femme, dans cette capitale, pour répudier les responsables de de cette entité gouvernementale nommés par le gouvernement de facto, qu'elles ont accusé de putschistes.

    Des représentantes des organisations féminines ont pacifiquement pris hier cette dépendance, en répudiation au coup militaire qui a renversé le président Manuel Zelaya, le 28 juin dernier.

    C'est une institution qui nous appartient, du peuple, a dit une des manifestantes.

    5 000 femmes en manifestation
     
    Environ 5 000 partisanes de Manuel Zelaya ont manifesté ce mercredi en face du siège de l'Institut National de la Femme (INAM) en exigeant la destitution de sa directrice, Maria Martha Diaz, en la qualifiant de "putschiste".

    "C'est une putschiste et on n'accepte pas de putschistes", a affirmé à l'AFP Juan Barahona, un des conseillers du Bloc Populaire (BP), une alliance d'organisations sociales membres du Front de Résistance qui lutte pour le rétablissement de Zelaya au pouvoir.

    Le président intérimaire, Roberto Micheletti, a nommé Diaz comme directrice de l'Institut de la Femme.

    Cependant, les travailleurs de l'INAM ont pris l'édifice mardi derneir et ce mercredi sont arrivés les policiers du commando spécial "Cobra" pour reprendre les installations.

    "Des compañeras ont été frappés par les «cobras» et c'est pour cela que nous venons exiger la destitution" de Díaz, a souligné Barahona.

    Les manifestants de la Résistance se sont rassemblés dans le siège de l'Université Pédagogique et ont défilé vers le siège de l'INAM.

    Barahona a indiqué que les membres de la résistance résoudront dans une assemblée les actions qu'ils entreprendront entre jeudi et vendredi pour demander le retour de Zelaya.

    "Jeudi et vendredi il va y avoir beaucoup de mobilisation sociale dans tout le pays et des blocages de routes", a annoncé le dirigeant populaire Rafael Alegría.

    Le dirigeant a affirmé que "celui qui a la solution au problème du pays est Micheletti", en permettant le retour de Zelaya.

    Il a plaidé pour une solution du conflit au Honduras dans la continuation du dialogue, à partir de samedi prochain, au Costa Rica, avec la médiation du président Oscar Arias.

    La solution "dépend de Micheletti, des groupes de pouvoir, des entrepreneurs et des militaires qui sont ceux qui ont créé cette énorme crise. Nous avons seulement donné une réponse par la voie de la mobilisation pacifique et nous voulions qu'ils comprennent que nous avons besoin de résoudre cette crise par la meilleure manière en permettant le retour pacifique du président Zelaya", a-t-il souligné.

    Le gouvernement de facto affronte une vague d'indignation populaire qui ce mercredi a atteint les 18 jours après que, il(elle,ils,elles) a éclaté à peine connu, la séquestration de Zelaya et sa copie de force vers la Costa Rica par des militaires encapuchonnés.

    Des groupes d'étudiants ont occupé ce mercredi l'Université Nationale Pédagogique tandis que d'autres organisations du Front National contre le coup d'État ont réalisé une marche vers le congrès, où ils ont fait un acte en demande de la restitution de l'ordre constitutionnel.
     
    http://www.radiolaprimerisima.com/noticias/general/56755
     

    Traduit par http://amerikenlutte.free.fr


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  • « Premier coup d'État en Amérique latine depuis la fin de la Guerre froide », a-t-on tôt fait de proclamer. A-t-on oublié le coup d'État du 11 avril 2002 au Venezuela même s'il dura moins de 48 heures? Le rapprochement avec la Guerre froide rappelle cependant que plusieurs coups d'État servirent à renverser des gouvernements réformistes ou à contrer les mouvements de revendication. L'Amérique centrale aura offert au XXe siècle un terreau fertile pour des dictatures militaires ou personnalistes (comme celles d'Ubico, de Carías, de Martínez Hernández sur l'horizon 1930-1945 et surtout celle des Somoza jusqu'en 1979). L'URSS après 1947, puis Cuba à partir de 1959 devinrent l'épouvantail. Les oligarchies et les militaires invoquaient la menace subversive pour s'opposer aux demandes et mouvements réformistes.  La lutte contre le communisme servait de prétexte à la répression, à des élections sur mesure. Les États-Unis cautionnaient ou encourageaient la réponse autoritaire. N'avaient-ils mis fin à l'expérience réformiste au Guatemala en 1954 avant d'utiliser ce pays comme laboratoire pour tester des méthodes de lutte anti-insurrectionnelle appliquées bientôt en Asie du sud-est? Effet de la proximité des États-Unis, les dictatures centre-américaines pouvaient faire bon ménage avec des élections périodiques, des débats parlementaires, la division des pouvoirs. Mais ce vernis ne doit pas faire allusion : l'État de droit n'existait pas.     

    Dans l'Amérique centrale des dictatures, le Honduras s'est distingué depuis les années 50 comme la « République du Pentagone ». C'est au Honduras que la CIA a organisé une attaque contre le Guatemala dans le cadre d'une guerre psychologique qui devait mener au renversement du gouvernement Arbenz en 1954. C'est du Honduras qu'elle orchestra l'invasion de Cuba en avril 1961. Les militaires honduriens furent entraînés et armés par les États-Unis. Dès 1957, ils deviennent un acteur politique prépondérant, n'hésitant pas à mettre sur la touche les gouvernements civils. Dans les années 80, Washington fit du Honduras une plate-forme pour sa stratégie d'agression contre le Nicaragua sandiniste et de soutien logistique à l'armée salvadorienne contre le FMLN. Le Honduras ressemblait à un porte-avions. Washington obligea alors les militaires à remettre le gouvernement aux civils afin de doter le pays d'une façade « démocratique ». La constitution de 1982 est un produit de ce ravalement. Cette façade servait à dissimuler une militarisation de la société. Les militaires profitèrent de largesses. Le général Alvárez eut un temps carte blanche pour frapper tout élément jugé « subversif ». Les assassinats et les disparitions frappèrent les organisations populaires. Des manoeuvres se déroulaient annuellement en territoire hondurien. La prostitution, les drogues et les maladies vénériennes accompagnèrent les exercices. Avec la fin de la guerre civile au Nicaragua et au Salvador vers 1991, l'assistance US (1,3 milliard $ entre 1981 et 1987) fondit et le budget national en fut affecté. La démilitarisation se heurta à une résistance chez ceux qui avaient profité politiquement et économiquement du conflit. La criminalité connut une escalade ici comme au Salvador. Quantité de soldats se recyclèrent dans le trafic des narcotiques et les sales besognes.

    Les élites honduriennes ont fait preuve de myopie et n'ont pas assumé leurs responsabilités sociales. Le Honduras a incarné jusqu'à la caricature la « République bananière » ouverte à toutes les ingérences et à la corruption. Une longue tradition de servilité et de vassalité forme le tissu de son histoire. Que de fois les élites honduriennes ont pensé assurer leur prospérité en s'associant à des intérêts étrangers qui ne voyaient dans ce pays qu'un peuple indolent et des richesses à exploiter. Après avoir pensé offrir un territoire pour construire un canal interocéanique, les élites virent dans la banane le produit qui allait faire la richesse du pays. Les sociétés étrangères se disputaient des concessions et appuyaient des partis politiques rivaux ou des dictateurs pour obtenir des faveurs. L'assistance est devenue par la suite la nouvelle vache à lait, favorisant des enrichissements plus ou moins licites, voire la corruption la plus éhontée. Si cette source rapporte désormais moins, elle n'a pas disparu. Parallèlement le Honduras a multiplié les concessions pour attirer des usines de sous-traitance, des sociétés minières (y compris du Canada) et des sociétés forestières. Les possédants ont démontré une attitude défensive face aux demandes sociales. Plus de la moitié de la population vit en-deçà du seuil de pauvreté. Le pays  occupe le 114e rang mondial pour l'indice de développement humain.

    Le président Manuel Zelaya est issu de l'élite. Son épouse est la fille d'un général qui occupa la présidence. Sa famille a même été mêlée à l'assassinat de deux prêtres et de 15 militants paysans dont les cadavres furent trouvés en 1975 sur la propriété familiale Los Horcones. Industriel forestier et éleveur, il accéda à la direction d'associations patronales. Élu député en 1984, il a occupé plusieurs postes dans des gouvernements libéraux. Il appartenait à la faction progressiste du parti libéral et fut chargé de la direction de programmes sociaux. Élu de justesse en novembre 2005 sous la bannière libérale, il avait fait campagne pour une approche sociale de la criminalité face à un adversaire qui prônait la répression la plus dure, y compris la restauration de la peine de mort (abolie en 1937).

    On peut donc lui attribuer une sensibilité progressiste qui le démarquait au sein de sa classe et des partis politiques. Sa gestion présidentielle confirmera bientôt cette tendance. Il augmente de 60 % le salaire minimum, il crée un fonds pour la protection des forêts, il abaisse le prix du carburant. Mais surtout il Il développe des relations avec le président Chávez. Un accord avec Petrocaribe permet au Honduras de différer de 25 ans les paiements sur la moitié du pétrole qu'il achète et d'utiliser les fonds ainsi économisés pour financer des programmes sociaux. Et il adhère en 2008 à l'Alternative bolivarienne pour les Amériques. Il devint clair pour les Honduriens que Manuel Zelaya glisse à gauche, d'autant plus qu'il se rend à Cuba et y rencontre Fidel Castro en mars dernier. En même temps que les élites dénoncent ce virage, les mouvements sociaux connaissent une nouvelle vigueur et font entendre leurs revendications. Des regroupements voient le jour (COPINH, Bloque popular, Unificación democrática, etc.).

    Cela ne fait pas de Manuel Zelaya un « socialiste ». Il ressemble tout au plus à Jacobo Arbenz. Il cherche à libérer son pays de la tutelle états-unienne, mais sans envisager une rupture. Il ancre le Honduras dans des alliances régionales et latino-américaines. S'adaptant aux vents nouveaux, rompant avec plusieurs politiques néolibérales des gouvernements antérieurs, il inscrit son action dans une volonté de rendre effective la participation citoyenne, d'approfondir la démocratie.

    Dans un pays aussi conservateur, avec ce passé de servilité et d'oppression, Manuel Zelaya dérange tous les puissants. Les élites ne se reconnaissent plus dans l'homme. Dans la consultation annoncée pour le 28 juin - sur l'opportunité d'ajouter une quatrième urne lors des élections générales du 29 novembre prochain - elles ont vu une manoeuvre destinée à leur opposer l'opinion publique et à conférer une légitimité à la campagne en faveur de la convocation d'une assemblée constituante. Tous les pouvoirs se sont alors ligués contre Zelaya : le Congrès (y compris son parti), la Cour suprême, l'Église, les médias, les forces armées. Même si la consultation n'était pas contraignante et ne pouvait être assimilée à un referendum, ils n'ont pas voulu courir le risque d'être mis en minorité par le « peuple ». Ils ont prétendu que Zelaya cherchait par ce moyen à arracher un second mandat, ce qu'interdit la constitution de 1982.

    Le véritable enjeu était l'élaboration d'une nouvelle constitution pour fonder un Honduras réellement démocratique. À court terme, une constituante peut fournir l'occasion à des débats qui font avancer la participation citoyenne. La procédure peut se transformer en une école. Le projet pouvait permettre aux organisations populaires et indigènes de faire entendre leurs voix. Voilà pourquoi elles appuyaient massivement la démarche qui était déjà endossée par 500 000 signatures. Plusieurs regroupements s'étaient formés pour soutenir l'initiative qui avait porté ses fruits au Venezuela, en Bolivie et en Équateur. La société civile n'avait eu aucun rôle dans la rédaction de la constitution de 1982 ni dans son approbation. La constitution ne prévoyait aucune consultation populaire. Ses rédacteurs appartenaient aux deux partis qui se sont partagé le pouvoir depuis plus d'un siècle, des partis régulièrement fragmentés par des ambitions personnelles, des instruments de clientélisme, des partis qui n'ont toujours pas vocation démocratique.

    Je ne suis pas juriste, mais je crois que la Cour suprême a fait une lecture limitative et éminemment politique de la constitution afin de proclamer le caractère illégal de la consultation. Tous les autres corps se sont servis de cette décision pour justifier leur action contre le président Zelaya. Tous ont travaillé de concert. Les militaires ont utilisé la force pour arrêter le président et l'exiler au Costa Rica. Ils ont prétendu agir au nom des instances juridiques. Le Congrès s'est ensuite réuni. Il a prétendu disposer d'une lettre datée du 25 juin par laquelle Zelaya avait signifié sa démission invoquant la polarisation du pays et des raisons de santé.

    À l'évidence il s'agissait d'un faux fabriqué. Puis il a désigné son président comme successeur. En l'absence du vice-président qui avait renoncé à ses fonctions pour briguer les suffrages aux élections de novembre, le président du Congrès, Roberto Micheletti, était le prétendant désigné. Les apparences étaient sauvegardées : le Congrès destituait le président, nommait un successeur et les militaires laissaient le pouvoir aux civils. L'alliance civilo-militaire avait bien fonctionné. Les médias ont également joué leur rôle. Après avoir chauffé l'atmosphère dans une campagne anti-Zelaya, ils s'imposaient un blackout complet sur le coup avant de se faire les porte-parole du nouveau régime. Les médias favorables à Zelaya ont été sortis des ondes. Niant la réalité du coup d'État, tous les pouvoirs ont voulu faire croire à une « succession constitutionnelle ». 

    Ce scénario s'inspire du coup d'État du 11 avril 2002 au Venezuela : la capture du président par les militaires, la fausse démission, le blackout médiatique. Chávez et le Venezuela servaient d'épouvantail pour discréditer Zelaya et son projet. La parenté dépasse la simple imitation. L'opposition vénézuélienne a été très active au Honduras récemment. L'oligarchie vénézuélienne, à défaut de faire tomber Hugo Chávez au Venezuela, voulait le vaincre à l'étranger. En identifiant Zelaya à Chávez, elle a pensé prendre sa revanche. Ses partis et ses médias n'ont donc pas dénoncé le coup, bien au contraire. On peut comprendre dans ce contexte que le président Chávez se soit engagé avec une grande vigueur verbale à défendre Zelaya et à vilipender les putschistes.

    Cette collaboration entre les deux oligarchies pourrait expliquer que les élites honduriennes se soient complètement illusionnées quant à la viabilité de la solution retenue. L'importance du facteur externe explique que les putschistes aient visé également Patricia Rodas, la ministre des Relations extérieures, rudoyée et expulsée au Mexique et qu'ils aient menacé les ambassadeurs du Venezuela et de Cuba. La droite aux États-Unis (au Congrès, dans les médias) et la droite en Amérique latine soutiennent les putschistes. Elles ne voient en Zelaya qu'un allié de Chávez qu'elles diabolisent. Cette solidarité de classe n'est pas étrangère non plus à la position ambiguë, du bout des lèvres en somme, qu'adoptera le gouvernement canadien. 

    Mais à la différence de ce qui s'est passé au Venezuela ce n'est pas d'abord la rue qui peut remettre Manuel Zelaya au pouvoir. Les organisations populaires n'ont pu se mobiliser comme elles le firent au Venezuela. Des ordres de capture ont été émis contre les dirigeants (plus de quatorze) ainsi que les ministres du gouvernement Zelaya. Beaucoup se sont réfugiés dans des ambassades, ont fui le pays ou se sont mis à l'abri. Le couvre-feu a été proclamé. Les partisans de Zelaya peuvent bien défier les putschistes en tenant des manifestations. Les forces de sécurité ont occupé tout le terrain et la répression brutale s'abat avec des morts, des blessés, des arrestations. Zelaya n'a pu disposer, à la différence de Chávez, de la loyauté de militaires. Ce qui aura fait la différence dans le cas du Honduras aura été la réprobation unanime et immédiate du coup d'État par tous les gouvernements d'Amérique latine et par diverses instances régionales (ALBA, Groupe de Rio, UNASUR, etc.). L'Organisation des États américains n'aura pas hésité cette fois à condamner le coup d'État et aura déployé beaucoup d'énergie à rétablir l'ordre constitutionnel.   

    La nouveauté réside également dans l'attitude des États-Unis. L'administration Obama n'a jamais reconnu les putschistes. Le Département d'État a vite dénoncé le caractère illégal de la destitution. Le président Obama, après s'être limité à exprimer sa « vive préoccupation », a réclamé la restauration de Manuel Zelaya dans ses fonctions. Il a de la sorte envoyé un message clair. Cela ne veut pas dire que certaines agences états-uniennes n'aient pas contribué à la crise. On voit mal l'état-major et les officiers formés dans les écoles militaires du Pentagone s'aventurer dans cette opération sans en discuter au préalable avec les représentants du Pentagone sur place (la base de Soto Cano abrite 500 militaires états-uniens). USAID financent plusieurs programmes au Honduras. Certaines agences ont servi ailleurs de bras civil à des opérations de propagande, de formation et de subversion.

    Ainsi dans une entrevue à CNN, dimanche matin, la directrice locale de l'organisme Paix et Démocratie défendait le caractère légal de l'opération en cours. La rumeur d'un coup d'État a couru dès le 24 juin. Qu'a fait l'ambassadeur pour dissuader les putschistes de recourir à cette solution? Des précédents nous rappellent que les instances états-uniennes, surtout dans une situation de tensions ou de crise, ne fonctionnent pas à l'unisson. Les États-Unis gardent plusieurs fers au feu et leurs représentants agissent suivant plusieurs scénarios. 

    Le coup d'État est condamné à l'échec. La communauté internationale a démontré un soutien unanime au président Zelaya, isolant ainsi les putschistes. L'esprit des résolutions était que son retour se fasse sans conditions préalables. Le régime illégal tient tête à la communauté internationale et aux manifestations internes d'appui au président déchu. Comment ramener les putschistes à la raison? Par des promesses d'immunité, par l'exil des principaux chefs, par des pressions multiples et combinées? Le Venezuela a coupé ses livraisons de pétrole, plusieurs pays ont rappelé leurs ambassadeurs. Les États-Unis ont suspendu certaines formes d'assistance, mais disposent de plusieurs leviers décisifs: les mettre en action démontrerait la solidité de leur engagement en faveur d'un retour à l'ordre constitutionnel. On voit mal comment le régime pourrait se maintenir longtemps au pouvoir. 

    Il faut donc croire que Manuel Zelaya sera restauré dans ses fonctions. Il a déclaré en conférence de presse à New York qu'il n'accepterait pas un second mandat. C'était un argument massue de la désinformation entourant l'opposition à la consultation. Le président Zelaya reviendra auréolé, avec un prestige accru. Sa base sociale sortira élargie de cette épreuve, mais le pays se retrouvera encore plus polarisé. Face à tous les pouvoirs qui l'ont rejeté, quel sera son pouvoir effectif d'ici janvier 2010? Jusqu'où voudra-t-il et pourra-t-il aller dans l'exercice des prérogatives présidentielles qui sont fort grandes en vertu même de la constitution et des pratiques latino-américaines? Un candidat à la succession pourra-t-il poursuivre l'oeuvre entreprise? Ou le Honduras oligarchique aura-t-il stoppé pour un temps cette marche vers un Honduras moins inégalitaire, plus démocratique?


    Claude Morin, Professeur retraité. Département d'histoire. Université de Montréal.


     Articles de Claude Morin publiés par Mondialisation.ca


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  • Liliana Felipe - Nos tienen miedo porque no tenemos miedo

    Aujourd’hui, le peuple hondurien n’a pas peur, il le crie dans les rues. Ecoutez cette chanson que les manifestants chantent à la tête des gorilles.

    Ils ont peur de nous parce que nous n’avons pas peur d’eux !

    La vie du docteur Hector Castillo, coordinateur de la résistance au Honduras, est menacée

    Alertés par les mouvements sociaux au Honduras, les anciens élèves diplômés de l’ELAM (Ecole latino-américaine de médecine) ont fait parvenir un communiqué aux medias les informant de la situation dans laquelle se trouve le Dr. Luther Castillo Harris, diplômé de la première promotion de l’école latino-américaine de médecine de Cuba et coordinateur des mouvements sociaux au Honduras.

    Celui-ci a transmis ce message : « J’appelle à dénoncer le fait que mon nom figure sur la liste des personnes à arrêter par l’armée et que des ordres ont été donnés pour m’abattre si je résiste. »

    Luther Castillo Harris est originaire de la Mosquitia, une région dans la jungle, difficilement accessible, au Nord-Est du Honduras. Il appartient à l’ethnie garifona, composée de descendants d’esclaves en fuite d’un bateau naufragé près des côtes de l’île de Saint Vincent.

    Titulaire d’une bourse d’étude à Cuba, il étudie gratuitement la médecine à l’Ecole latino-américaine de médecine (ELAM), comme des milliers de jeunes étudiants pauvres, venus des quatre coins du monde.

    Ses études terminées, il retourne pratiquer la médecine dans sa communauté d’origine. Là, grâce à la collaboration de Cuba, le gouvernement de Manuel Zelaya construit un hôpital, équipé de matériel de pointe, qui ouvre ses portes le 8 octobre 2007. Luther en devient le directeur. Depuis son ouverture, des milliers de personnes, qui n’avaient jamais vu de médecins auparavant, ont reçu des soins.

    Dès le début du coup d’Etat, Luther a rejoint les mouvements sociaux de résistance dont il est devenu le coordinateur.

    C’est Luther, et tous les paysans, les ouvriers, le peuple souverain du Honduras qui prenait enfin son destin en main que les putschistes veulent abattre.

    Merci de divulguer cette information à tous les médias.

    transmis par Gloria Gonzalez Justo

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