• L’injustice de l’occupation ne coûte rien aux Israéliens (Haaretz)

    Gideon LEVY
    photo : Tel Aviv, la ville "cool".

    Franchement, c’est pas du superflu, ça ? Le président des Etats-Unis qui consacre une bonne partie de son temps précieux et de sa bonne volonté à tenter de convaincre sur la nécessité de mettre un terme au conflit arabo-israélien. Les Européens qui se tiennent prêts à entrer en action et la moitié de la planète qui attend. Mais soyons francs : pourquoi tout ce remue-ménage autour de nous ? Les colons pourraient pousser des cris et bloquer les routes. Les Forces de Défense Israéliennes pourraient perdre de leur importance et les informations pourraient même devenir ennuyeuses. Le vignoble dans les hauteurs du Golan pourrait fermer, tout comme la boutique de vins dans la colonie d’Ofra.

    Le fait est que la vie en Israël est agréable. Alors qui aurait vraiment envie de réfléchir à la paix, aux négociations, aux retraits, au « prix » à payer et à toute cette pagaille inutile ? Les cafés sont pleins et les restaurants sont bondés. Les gens sont en vacances. Les marchés sont en hausse. La télévision nous anesthésie, les autoroutes sont embouteillées et les festivals battent leur plein. La Scala a fait une représentation dans le parc et on attend Madonna, les plages sont noires de touristes, étrangers et locaux. L’été 2009 est merveilleux. Alors pourquoi vouloir changer quelque chose ?

    L’injustice de l’occupation ne coûte rien aux Israéliens. La vie ici est incomparablement meilleure que dans la plupart des pays. Israël a été moins touché par la crise financière globale que les autres. Il y a des pauvres mais pas comme dans le tiers-monde et les riches et les classes moyennes ont été relativement épargnées.

    La sécurité aussi est bonne. Pas d’attaques terroristes. Pas d’Arabes. Et lorsque le terrorisme recule, comme c’est le cas depuis quelques années, qui se souvient encore du « problème palestinien » ? L’armée et le Premier Ministre Benjamin Netanyahu peuvent encore nous faire peur avec la menace d’attaques terroristes mais en attendant, il n’y en a pas. De même que la menace nucléaire iranienne n’est encore qu’une vague éventualité. Actuellement, on se sent en sécurité en Israël.

    Il est vrai qu’on assiste parfois à des explosions de violences, mais elles se produisent en général aux frontières du pays et n’intéressent pas les habitants du centre. Des tirs de roquettes Qassam sur Sderot ou de Katyushas sur Kiryat Shmona ? Et alors ? Ils sont toujours suivis par une période de calme, comme en ce moment. Le mur de partage, les médias, le système éducatif et la propagande politique font du bon travail pour créer une illusion et faire oublier ce qu’il faut oublier et cacher ce qu’il convient de cacher. Eux, ils sont là-bas et nous, nous sommes ici et ici la vie est chouette, même si ce n’est pas le paradis. Comme la Suisse ? Non, encore mieux.

    Nous avons toujours su accorder une certaine importance aux plaisirs de la vie. Nous pratiquons le culte de la sécurité, notre véritable religion, et nous commémorons l’Holocauste. Ici, vous pouvez à la fois vous amuser et jouer aux victimes, faire la fête et râler. Connaissez-vous un autre endroit au monde comme celui-ci ?

    Puisque l’injustice de l’occupation ne coûte rien aux Israéliens, l’occupation ne prendre jamais fin. Elle ne cessera pas avant que les Israéliens n’établissent un lien entre l’occupation et un coût qui leur sera imposé. Ils n’y mettront jamais fin de leur propre initiative, et pourquoi le feraient-ils ?

    Même l’attaque terroriste la plus cruelle qui ait touché le pays n’a pas fait germer chez les Israéliens l’idée qu’il pourrait y avoir une relation de cause à effet entre occupation et terrorisme. Grâce aux médias et aux politiciens – les deux vecteurs les plus efficaces pour anesthésier et aveugler la société israélienne – on nous apprend que les Arabes sont nés pour tuer, que le monde entier est contre nous, que le traitement qu’on nous réserve est l’antisémitisme, et qu’il n’y a aucun lien entre nos actes et le prix à payer.

    Pour notre plus grand bonheur, il n’y a pas de blocus international ou de bain de sang prévu à l’horizon. Alors pourquoi s’en soucier ? Certes, le monde entier commence à froncer les sourcils. Et alors ? Les Israéliens sont convaincus que, de toute façon, le monde entier nous déteste. Tant qu’on ne nous privera pas des plaisirs de la vie, nous n’avons aucune raison de nous faire du souci. Demandez aux Israéliens les raisons de cet ostracisme et vous entendrez immédiatement des reproches à la terre entière plutôt que la moindre autocritique, que Dieu nous en garde. Les Israéliens ne se contentent pas de prendre du bon temps. Ils ont aussi une haute opinion d’eux-mêmes – de leur moralité, celle de leur armée et de leur pays.

    Tout ceci serait vraiment chouette si ce n’était pour notre aveuglement dangereux et la fin prévisible, pas vraiment heureuse, de toute cette histoire.

    Il fait encore un été magnifique à Tel Aviv – ainsi qu’à Gaza et à Jenin – mais une partie du monde va nous exploser à la figure. A ce moment-là nous jouerons à la pauvre victime étonnée, un rôle que nous affectionnons particulièrement.

    Gideon Levy

    ARTICLE ORIGINAL
    http://www.haaretz.com/hasen/spages/1101176.html

    Traduction VD pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info


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  • Une guerre semble déclarée au français par l’intrusion larvée mais massive de l’anglais – ou d’un sous-anglais – dans tous les domaines de la vie sociale, notamment dans le monde de l’entreprise. Cette tendance n’est pas innocente : elle tend à marginaliser une large part de la population, qui pourrait devenir étrangère dans son propre pays. Le phénomène n’est pas propre à la France, et vise à déposséder les peuples de leur propre vison du monde, inséparable de la langue.

    La caste financière qui domine notre pays planifie-t-elle le basculement de la France vers le « tout-anglais » pour les, voire pour la, prochaine(s) décennie(s) ? Cette perspective, pour incroyable qu’elle puisse paraître, pourrait être étayée par de nombreux exemples.

    Ainsi, sur TF1, on ne compte plus les écrans publicitaires qui s’affichent en anglais, dans la totale indifférence du CSA. La représentante française a chanté en anglais lors de l’eurovision 2008 sans qu’on ne s’en émeuve en haut lieu. Les supermarchés Atac sont rebaptisés Simply Markets (« be happy, be simply » !), Champion devient Carrefour Market pendant que les villes se couvrent d’enseignes en franglish. Berceau de notre littérature, le Val-de-Loire se voit renommé Loire Valley. Les ex-services publics se lâchent : pour vanter le Livret A, la Poste proclame I love L.A., pendant que la SNCF lance ses Family TGV. Sans le veto d’un préfet courageux, l’aéroport Lyon Saint-Exupéry serait déjà Lyon Airports…

    Le phénomène est plus flagrant encore dans les entreprises. Chez Toyota, les production operators de chaîne obéissent aux Team managers ; des syndicats de base CGT, CFTC, CGC et UNSA regroupés en Intersyndicale en sont à revendiquer le droit des salariés à travailler en français en France. Quant aux ouvriers de Continental, ils ont appris en anglais leur licenciement collectif.

    Des grands groupes n’hésitent plus à rechercher des cadres « english mother language », sans que la dite « Haute autorité », censée sévir contre les discriminations, ne pointe cette véritable préférence nationale à l’envers. Les Français qui suent pour apprendre le Wall Street English vanté dans les rames du métro ne feront pas longtemps le poids face aux anglo-« natifs ».

    Les médias ne sont pas en reste, où déferlent les américanismes (du « Morning » au Mouv’ en passant par le « crumble » de France-Inter…). Alors qu’existent les termes français, le média-formatage des cerveaux substitue systématiquement challenge à défi et « meïl » à courriel. On n’en est plus aux traditionnels emprunts d’une langue à une autre quand la gent branchée préfère la positive attitude à l’« attitude positive » et dit plus spontanément yes ! que oui.

    Au point que le philosophe Michel Serres – peu soupçonnable de dérives « franchouillardes » – s’indigne : « il y a plus d’anglais aujourd’hui sur les murs de Paris qu’il n’y avait d’allemand sous l’Occupation ». Et Hubert Védrine enchérit : « peut-être le français survivra-t-il à tout cela ; peut-être pas… ».

    Dans ce contexte, il n’est sans doute pas excessif d’évoquer un plan totalitaire d’anglophonisation de la France, dont les chefs d’orchestre paraissent de moins en moins clandestins. A commencer par les gouvernements anglais et américain qui, depuis 1945, poussés par leurs firmes transnationales, investissent d’énormes sommes pour anglophoniser la planète, comme le révèle le linguiste Claude Hagège (1). Ensuite, l’Union européenne dont 80% des textes sont, très illégalement, exclusivement rédigés en anglais (2).

    L’état-major patronal européen bat la mesure : « les présidents des quarante-six plus grandes sociétés du continent ont obtenu que tous les documents des États candidats à l’intégration dans l’UE soient exclusivement rédigés en anglais », écrivait déjà Hagège en 2006 (1). Le congrès du MEDEF vient d’adopter pour devise : « Ready for the future ! » (« prêt pour l’avenir »). Dans un registre plus institutionnel, et avec de lourdes conséquences, la France a finalement ratifié le protocole de Londres, ouvrant la voie au monopole de fait de l’anglais sur les brevets (cf. BRN n°34 du 27/11/07).

    On se souvient qu’Ernest-Antoine Seillière, appelé à intervenir en 2003 devant le Conseil européen, annonça qu’en tant que président de la confédération patronale européenne Business-Europe, il s’exprimerait en « anglais, la langue des affaires et de l’entreprise ». Quant au président de la banque centrale européenne (BCE), il déclarait devant les eurodéputés lors de sa prise de fonction : « I am not a Frenchman ! ».

    Dans ce qui s’apparente à une dénationalisation de la langue et des cerveaux, le français est en quelque sorte relégué au rang de langue domestique – le terme est ici littéralement approprié. Car pour dissoudre notre pays dans « l’économie de marché ouverte sur le monde », et pour tenter de désarmer et diviser les résistances populaires, les maîtres du CAC 40 ont entrepris d’effacer ce repère essentiel dont dispose notre peuple pour s’unir et s’identifier : sa langue. Après avoir criminalisé l’héritage révolutionnaire du monde du travail, la Frencheurope d’en haut serait ravie d’araser le « mauvais esprit » de ces écrivains frondeurs que furent Villon et Rabelais, Molière et Descartes, Diderot et Rousseau, Aragon et Éluard, Césaire et Fanon…

    À Paris, dans les allées du pouvoir, on montre l’exemple. Ainsi Christine Lagarde ne se cache pas de « manager » Bercy en anglais. Valérie Pécresse, lauréate du Prix de la Carpette anglaise, promeut avec acharnement l’anglophonisation de l’Université en violation de la Constitution qui fait du français la langue officielle de la République. Xavier Darcos impose de fait l’anglais à tous les enfants du primaire sous couvert de l’apprentissage précoce d’une langue étrangère ; mais pourquoi pas l’allemand, l’espagnol, l’italien, ne serait-ce que dans les régions frontalières ?

    Quant au chef de l’État, il vient de s’illustrer en inaugurant la nouvelle base militaire d’Abu Dhabi : devant les caméras de la télévision française, c’est en anglais qu’il interrogea l’officier français charger de le « briefer » sur la disposition des forces… Le même avait semé la consternation au Québec par ses déclarations peu avant l’ouverture du sommet de la Francophonie.

    Dépossession d’une vision du monde

    A ce rythme, combien de temps faudra-t-il pour que la langue du Discours de la méthode et de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen devienne à Paris ce qu’est devenu le gaélique à Dublin ? De même, combien de temps pour transformer ces langues de haute culture que sont l’allemand ou l’italien en jargons bredouillés par des « indigènes » inaptes à l’« employabilité mondiale » ? Au-delà de l’indéniable enjeu national, la cause du français s’articule donc de manière internationaliste à la défense de toutes les langues contre ceux qui veulent déposséder les peuples de leurs concepts, de leur manière de penser, et, au fond, de leur vision du monde.

    Car à pensée – impériale – unique, sabir unique. Et tant pis si la classe ouvrière francophone (et a fortiori sa composante immigrée) devient étrangère dans son pays. L’« élite » planétaire américano-formatée se dote ainsi d’une arme linguistique de destruction massive lui permettant d’atomiser psychologiquement la nouvelle plèbe mondiale, vouée à « anglo-baragouiner » sous l’œil méprisant des nouveaux seigneurs. Une telle perspective n’a pas de quoi émouvoir Dominique Strauss-Kahn (FMI) ou Pascal Lamy (OMC), les socialistes français qui pilotent la mondialisation ; ni d’ailleurs Martine Aubry ou Ségolène Royal, dont les euro-retrouvailles lors du rassemblement électoral près de Nantes se sont récemment tenues sous une banderole proclamant fièrement first the people ! (3)

    De leur côté, François Chérèque et Bernard Thibault ont accepté que la seule langue de référence de la Confédération Syndicale Internationale (CSI) soit l’anglais. Un choix d’autant plus paradoxal que le français est langue officielle du Bureau International du Travail (BIT). De même, l’ensemble des syndicats français affiliés (CGT, CFDT, FO) ou candidats (FSU) à la Confédération Européenne des Syndicats (CES) promeut-il sans états d’âme le « nouveau deal européen » prôné par cette dernière (lire p. 13). Un glissement linguistique qui traduit un basculement conceptuel : substituer la culture du marchandage à la tradition syndicale française fondée sur la solidarité de classe (4).

    Que dire de la LCR-NPA, dont le journal djeun’ se nomme Red (« Rouge »). Il faudrait également évoquer ces députés PS, UDF et PCF qui entendaient mettre constitutionnellement à égalité le français et les langues régionales… ouvrant ainsi la voie à la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires voulue par l’UMP. Qui connaît l’origine de cette Charte et l’esprit de ses initiateurs ne peut guère en douter : l’arrière-plan n’est autre que l’euro-régionalisation de la République sur des bases ethno-linguistiques. Entre l’anglais « global » et la langue régionale, le français n’a qu’à bien se tenir…

    C’est donc en réalité toutes les langues du monde qu’il conviendrait de protéger du tout-globish. Y compris celle de Shakespeare et de Shelley, menacée au premier chef d’un « ajustement structurel » bien peu littéraire par « Business Europe » et consorts. La tâche est immense, mais les forces ne manquent pas pour y contribuer.
    ______________________
    (1) Combat pour le français, Odile Jacob, 2006 (2) Ainsi l’office européen des statistiques vient-il de passer au tout-anglais en abandonnant l’allemand et le français sans un mot de protestation de Berlin ou Paris… (3) dont on ne sait s’il faut traduire « le peuple d’abord », ou bien « les gens d’abord »… (4) Le français parlerait de « compromis », ce qui suppose au moins la construction préalable d’un rapport des forces entre classes sociales. L’anglais dit « deal », on est dans le vocabulaire des joueurs de poker, du monde des affaires, ou du commerce de stupéfiants…
    G. Gastaud*

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  • Depuis dix ans les grands médias font ce qu’ils veulent de la réalité venezuelienne. L’affaire semble entendue. Même et surtout a gauche un lavage de cerveau sans guère d’alternatives a fini par installer des catégories ("pour ou contre Chavez", "dérive autoritaire ou pas", "base contre bureaucratie", "Chavez-Iran", etc...) et une "critique" obligée, pavée de bonnes intentions mais finalement éloignée du réel qui devrait la nourrir. Une critique pertinente ne saurait se faire sérieusement a quinze mille kilomètres des acteurs populaires, concrets, anonymes de la révolution bolivarienne.

    Qu’ils n’aient pas le temps ou l’envie d’écrire sur internet, ne signifie pas qu’ils n’existent pas, qu’ils ne pensent, qu’ils ne vivent pas d’autres contradictions, différentes de celles qu’on projette sur eux. Ils sont des millions. Il est temps de les écouter, de les voir. L’écran de "Vive TV" vous permet de les rencontrer en direct. Vous pouvez vous affranchir de la dictature médiatique des grands groupes économiques et palper presque comme si vous étiez sur place une révolution dans ses nombreuses avancées et contradictions, avec les témoignages libres des mouvements sociaux.

    Il suffit de cliquer sur http://www.vive.gob.ve/senalVivoExp.php et attendre de 30 sec. a 1 minute. 

    Voici quelques programmes en prise directe avec les luttes populaires :    1. lundi et mercredi a 7 h. 30 du matin, ou le mardi a 18 h. heure d’Europe  : "Informativo laboral" sur les luttes des travailleurs (diffusé a 20 heures au Venezuela, avec rediff dans la nuit)

     2. du lundi au vendredi, a 19 h. heure d’Europe, "el noticiero del cambio", reportage sur les organisations populaires et mouvements sociaux dans tout le pays (diffusé a midi au Venezuela, avec rediffs)

     3. mercredi a 18 h. heure d’Europe, "sin linderos" sur la réforme agraire ou les luttes paysannes (diffusé a 11 h. 30 au Venezuela, avec rediffs)

     4. Le lundi a 10 h. 30 ou samedi a 8 h. du matin heures d’Europe, notamment : "noticiero indigena", le reportage fait par les communautés indigènes.    Etc... Etc... Il y a en réalité toute sorte de programmes, dessins animés différents du cartoon dominant, cours de philo et de cinéma, débats citoyens en direct, docs politiques et sociaux, musiciens, artisans, etc... et pas mal de directs comme en ce moment sur la mobilisation populaire des venezueliens en solidarité avec le peuple hondurien. 

    La grille complète de nos programmes est détaillée heure par heure sous ce lien : http://www.vive.gob.ve/programacion.php?id=Sábado# en sachant qu’actuellement il faut additionner 6 heures trente pour obtenir l’heure européenne

    Thierry Deronne

    Vicepresidencia de Formación Integral
    Televisión Publica VIVE , Biblioteca Nacional, Piso 4
    Avenida Panteón , Caracas , República Bolivariana de Venezuela 
    Cel 00584164198614

    http://www.vive-fr.org/blog/
    http://www.vive.gob.ve (castellano)
    http://www.vive-be.org/ (francais)


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  • 58 députés ont demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le port de la burka (Dark Vador avec une grille) ou du niqab (Dark Vador avec une fente). Une foultitude de réactions ont été publiées depuis cette annonce. Ma contribution à la polémique .

    La femme qui porte le voile ne serait pas libre. Celle qui porte le voile intégral (burka ou niqab) encore moins. En revanche, celle qui porte un jean taille basse ras la foufoune, avec à l’arrière le string en évidence, puis, côté pile, le nombril ostentatoire, arborant un maquillage péripatéticien, elle, elle serait libre...

    Toutes ces femmes, la niqabienne toute fermée ou la stringueuse toute offerte, sont des femmes objets : elles ont cessé d’être sujets de leur propre vie. Elles sont assujetties à l’image de la femme que valorisent les hommes - ou l’homme - qu’elles côtoient. Ne les en blâmons pas : elles n’ont parfois pas d’autre choix que celui d’obéir ou de se conformer. Mais en quoi est-ce un problème religieux ?

    Le problème central reste le statut de l’individu comme sujet de son propre désir ou comme objet du désir des autres. Quand mon comportement, mes attitudes et mes habitudes se définissent en fonction de ce que l’autre veut que je sois et non en fonction de ce que moi je désire être ou devenir, je cesse d’être libre.

    Ce problème de l’individu-objet se rencontre bien plus souvent chez la femme que chez l’homme. L’égalité reste un voeu pieux, si j’ose dire, en témoigne la révoltante différence de salaires entre hommes et femmes. En témoignent aussi les publicités qui réduisent la femme à un objet de fantasmes sexuels. En témoigne la parité homme/femme rarement respectée dans le monde politique. En témoigne la préférence donnée aux compétiteurs aux dépens des compétitrices dans le monde du spectacle sportif.

    Mais ne nous leurrons pas : interdire le port de la burka et du niqab nous garantirait de ne plus être choqués en croisant les personnes qui s’en vêtissent aujourd’hui, mais n’aurait aucun effet sur ce que ces femmes vivent au quotidien dans leurs foyers. Et en matière de dénigrement, d’aliénation, d’exploitation voire de violence morale ou physique, l’habit ne fait pas la victime. La tenue ne protège pas.

    Dès lors, quel intérêt y a-t-il à ainsi offrir en pâture aux médias et au public une catégorie ultra minoritaire de la population ? Créer un énorme brouhaha où s’entremèlent des notions fort distinctes : laïcité, intégrisme, liberté, respect... Dégageons le premier de ces thèmes, la laïcité, et commençons par affirmer avec fermeté que la femme qui se promène dans la rue en burka ne menace pas ni ne porte atteinte au principe de laïcité. Qu’elle expose son asservissement, certes, mais en aucune manière elle ne menace davantage la laïcité que la bonne soeur avec son cornet et son chapelet.

    La laïcité a un double objectif : garantir l’indépendance de l’Etat vis-à-vis des religions et garantir la liberté religieuse des particuliers dans la sphère privée. Aujourd’hui, la laïcité est bien plus menacée par le ministre de l’Education - qui reconnaît les diplômes du supérieur délivrés par des universités catholiques - que par la femme en burka. La laïcité est bien plus menacée par un président de la république qui fait au Vatican l’éloge du prêtre aux dépens de l’instituteur que par la femme en niqab.

    Cessons donc d’être hypocrites et battons-nous vraiment pour la laïcité. Dénonçons les subventions mirobolantes versées aux établissements scolaires privés et religieux (dont les enseignants, rappelons-le, sont payés par l’Etat). Dénonçons la place scandaleuse offerte aux catholiques dans les médias français. Enlevons les crucifix qui trônent encore dans des établissements publics de Lorraine ou d’Alsace. Supprimons les jours fériés religieux - tout en garantissant aux pratiquants le droit d’être en congés ces jours-là - et remplaçons-les par des jours fériés commémorant les grandes victoires sociales ou l’infâmie des fascistes : 21 mai (1871 : début de "la semaine sanglante" qui verra 20 000 communards massacrés sur ordre de Thiers), 27 mai (1968 : accords de Grenelle)**, 7 juin (1936 : accords de Matignon) ...

    Et laissons à ceux qui croient le droit de construire les édifices qu’ils souhaitent pour y pratiquer leurs rites. Mais que pour cela, et pour toutes leurs autres activités, il ne soit pas dépensé le moindre centime d’argent public.

    Olivier Pagès

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  • Tract annonçant une semaine contre les longues peines et les QI (quartiers d’isolement), du 2 au 8 novembre, sur toute la France.

    La prison tue les prisonniers condamnés à quinze, vingt, trente ans de réclusion, les prisonniers condamnés à des peines incompressibles, les prisonniers condamnés à perpétuité:

    « En 1981, les socialistes n’ont pas aboli la peine de mort mais juste supprimé la guillotine, et ils ont remplacé la peine de mort par l’enfermement jusqu’à la mort. Jamais les peines prononcées par les cours d’assises n’ont été aussi lourdes, jamais les aménagements de peine n’ont été aussi chiches, pour ne pas dire inexistants. Nouveaux temps, nouvelles techniques: plus propres, plus efficaces, avec moins d’effusion de sang, mais tout aussi violentes et meurtrières. » Des prisonniers de la centrale de Lannemezan

    La prison tue les prisonniers enfermés dans les quartiers d’isolement (QI) et dans les quartiers disciplinaires(QD):

    « L’obligation de se blinder pour encaisser tous les coups durs induits par la pression de l’isolement sépare les hommes en deux catégories: ceux qui deviennent plus forts et ceux qui craquent. Résultat, les uns prennent des cachets et coulent à pic, les autres font peur à l’administation pénitentiaire parce qu'ils sont perçus comme inoxydables et en quête de vengeance. En résumé, il y a ceux qui combattent et ceux qui abdiquent. Les premiers ont compris qu’il n’y avait pas d’autre choix, les autres croient au pire des poisons existant : l’espoir. » Christophe, depuis le QI de La Santé

    « La souffrance morale concerne toute personne détenue; cependant, il semble qu’elle soit poussée à son paroxysme à l’isolement. Cette souffrance a de multiples causes: l’exacerbation des contraintes carcérales, la monotonie, le poids des autres, trop présents ou trop absents, le manque d’intimité, l’absence de vie sociale, la perte de l’image et de l’estime de soi, la perte d’autonomie. Les isolés se retrouvent dépossédés de tout ce qui normalement donne un sens à la vie. » Docteur Dominique Faucher

    La prison tue les prisonniers malades, même quand ils sont libérés juste avant:

    « Mourir en prison est le sort le plus infâme que puisse vivre un être humain. Nous demandons que soit respecté le droit à mourir dignement, parmi les siens, hors du contexte carcéral. Justice et administration pénitentiaire sont coupables par ordonnance. L’Etat et ses représentants sont coupables de ces négligences assassines. La prison est un moyen de gestion de la précarité et de la pauvreté. Elle devient également un lieu de répression des maladies mentales et un mouroir pour des milliers de détenus atteints de maladies incurables. Libération des détenus atteints de maladies incurables ! » Des prisonniers de la centrale d’Arles en août 2001

    La prison suicide de plus en plus de prisonniers:

    « Le suicide ne peut pas être le fait d’une désespérance, il est le résultat des pressions subies au quotidien sans possibilités de s’en défendre. La prison, qui soustrait au regard et au « contrôle démocratique», permet toutes les formes d’arbitraire. Des femmes, des hommes sont humiliés, interdits, niés dans leur volonté déshumanisée. Cela a pour conséquence le taux important de suicides en prison. » Une prisonnière de la maison d'arrêt des femmes de Fleury-Mérogis

    La prison tue les proches et les familles des prisonniers:

    « Nous sommes condamnées par l’ombre des barreaux de ceux qui sont des nôtres. La distance qui me sépare de quarante minutes de parloir, l’appréhension qui me talonne parce que la prison, justement, c’est la prison (sept ou huit décès en un an, sept ou huit proches de prisonniers suicidés, dont on entend si peu parler dans les colonnes de la grande presse…) tout ça, et puis le reste : les obligations courantes, le boulot, le manque de fric, les dettes en suspens... autant de barreaux invisibles, intérieurs, qu’on n’appelle pas par leur nom pour éviter de flancher. » Une mère de prisonnier

    La prison tue une génération de jeunes:

    « Le système a compris que les mômes avaient compris, que les discours rassurants, ça ne marchait pas. Donc la réponse, vu l’absence de perspectives, c’est de recréer les centres fermés, de construire des nouvelles prisons, de régler les problèmes sociaux par l’enfermement. Le pouvoir sait que ces mômes sont une génération perdue, il n’a rien à leur proposer, donc il doit gérer le problème -et quand on sait qu’en plus, l’enfermement rapporte… » Un prisonnier de la centrale de Saint-Maur

    En 1789, la république considérait qu’une peine de plus de dix ans d’emprisonnement était un châtiment plus cruel que la mort. Il est largement reconnu que passé un certain temps, la longueur des peines, les QI et les QD ne sont qu'acharnement, vengeance, destruction de l'individu.

    La semaine du 2 au 8 novembre doit être une semaine de résistance contre la mort lente des perpétuités et des longues peines, une semaine de revendication pour les libérations médicales, les libérations conditionnelles…

    Abolition des longues peines, des peines de sûreté, de la rétention de sûreté; abolition de l’intolérable peine de perpétuité.

    Abolition des mitards et des quartiers d'isolement, fermeture pure et simple de ces lieux de destruction où les morts suspectes sont de plus en plus nombreuses.

    Libération de tous les prisonniers malades et handicapés.

    Application du rapprochement familial et affinitaire.

    Non à la politique du tout-répressif et à toute forme d'enfermement.

    Pour signer ce texte et pour tout renseignement, contact : ARPPI, arppi@live.fr , tel.: 06 68 84 47 31

    Source 

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    LA PRISON TUE... CRÈVE LA PRISON

    2001, les prisonniers de la centrale d’Arles profitent de la commémoration de l’abolition de la peine de mort pour rappeler que la prison tue plus que la guillotine. 2002, une vidéo est diffusée sur France 3 : trois prisonniers longues peine cagoulés, lisent depuis leur cellule un communiqué dénonçant le sort qui leur est fait.
    2006, dix longues peines de Clairvaux demandent publiquement le rétablissement de la peine de mort pour eux mêmes pour dénoncer l’hypocrisie de l’enfermement. 2009 : Christophe Khyder libérable en 2045 vient de se faire reprendre après une courte cavale ; il déclare à sa mère sur son lit d’hôpital « il faut que tout ça serve à quelque chose ».

    En trente ans, le nombre des prisonniers a doublé. En vingt ans, les peines de plus de 5 ans ont triplé. En dix ans le nombre de prisonniers de plus de soixante ans a triplé. Il y a un mort tous les trois jours en détention (malades, suicidés, et tabassés confondus). La peine de mort qui avait tué 19 personnes entre 1958 et 1981 a été remplacée par des peines de sûreté jusqu’à la mort avec un système de non confusion de peine, de multiplication des circonstances aggravantes et de diminution des remises de peine. Aucun de ces chiffres ne dit l’essentiel : le fait que l’on accepte que des hommes construisent des cages pour en enfermer d’autres. On paye de son temps, c’est à dire de sa vie : des vies entières de crédit ou de prison selon le chemin emprunté.

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    1er aout Journée contre les longues peines et toutes les prisons à Baluet, village autogéré (ariège) Interventions audio-vidéo, discussions, danse, marionnettes, hip-hop, électro...

    Cette journée est une tentative pour faire exister cette réalité de l’enfermement carcérale et comprendre à quoi servent la taule et la justice dans cette société. L’occasion de trouver des moyens de les combattre. Concerts, spectacles, projections vidéos et extraits audio de témoignages alimenteront ces discussions. Recueillir un peu de pognon pendant cette journée servira aussi à la fabrication d’un recueil de témoignages sur les longues peines et l’isolement carcéral.

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